La
composition de la matière interstellaire est déterminée par des paramètres
environnementaux (par exemple l'abondance élémentaire, la densité, la nature
des réactants, les rayonnements, la température, les échelles de temps) et
résulte aussi de conditions interstellaires physico-chimiques parfois extrêmes.
Les astrophysiciens doivent compter sur des observations à distance pour suivre
et analyser la composition des solides interstellaires. Ces observations
donnent essentiellement accès aux fonctionnalités moléculaires de cette matière
solide, rarement des contraintes de composition élémentaires et des indications
sur le fractionnement isotopique uniquement dans la phase gazeuse. Les
expérimentateurs apportent des informations supplémentaires par l'étude
d’analogues produits au laboratoire, placé dans des environnements spatiaux
simulés. Les planétologues et cosmochimistes peuvent avoir accès et examiner
spectroscopiquement la matière extraterrestre collectée, directement dans le
laboratoire. Les observations du milieu interstellaire diffus (DISM) et des
nuages moléculaires (MC) posent des contraintes sur la composition
des solides organiques et des grandes molécules, qui peuvent ensuite être
comparées avec les analyses de matériaux extraterrestres collectés, pour faire
la lumière sur leurs liens possibles.
L’étude de la physico-chimie interstellaire
et des objets enfouis passe par la confrontation permanente de l’observation
dans les domaines infrarouge et radio, et de la prédiction par des simulations
en laboratoire avec les résultats de modèles de transfert de rayonnement.
L’évolution de la matière, depuis les nuages froids et denses jusqu’à son
incorporation dans les planétésimaux, les comètes et les astéroïdes, constitue
un sujet majeur dans le développement de l’astronomie pour les années à venir.
De nombreuses voies d’approche, qui permettront de mieux connaître ou de
combler des lacunes dans le cycle de la matière de la Galaxie s’ouvrent
actuellement. Parmi celles-ci, je m’intéresse particulièrement :
- aux expériences en laboratoire de
l’évolution physique et chimique des grains interstellaires, et la comparaison
avec l’observation dans les domaines infrarouges et (sub-)millimétriques par
les observatoires passés et futurs (p.e. ISO, Spitzer, Herschel, ALMA, JWST).
- à l’étude en laboratoire de la matière
interplanétaire (poussières cométaires et météorites) dans la perspective des
résultats des mesures “in-situ” (telles que Rosetta) sur les comètes, et dans
la continuité de l’interprétation de retours d’échantillons (p.e. Stardust,
Hayabusa 1 & 2, Osiris-Rex). La comparaison avec la matière interstellaire
permettra une meilleure compréhension du cycle de vie de la poussière.
- à la formation planétaire et à la
dissipation des disques circumstellaires.
Ces sujets pluri-disciplinaires rapprochent
physiciens moléculaires, du solide et astrophysiciens.
Spectroscopie des glaces interstellaires
L’analyse des profils de raies des solides
moléculaires dans différentes
sources observées par les différents
observatoires spatiaux ou au sol permet de suivre l’évolution en terme de
composition, de température des sources et de structure interne les
constituants des solides (comme les manteaux de glace et les silicates). La
comparaison entre les abondances moléculaires et les profils et positions
spectrales des absorptions des molécules, mesurées en laboratoire, permet de
discerner si les différents
constituants sont mélangés, séparés et soumis à des interactions
intermoléculaires. J’ai acquis notamment la preuve, par l’observation de
complexes intermoléculaires et les accords spectroscopiques avec des données de
laboratoire que j’ai produites, que les glaces sont structurées, certaines
phases étant nettement différenciées
le long des lignes de visée. Cette ségrégation est liée aux processus de
formation initiaux des molécules et à leur réorganisation dans la matrice
glacée, dans les environnements proto-stellaires et protoplanétaires. Une fois
les molécules identifiées, la variation des profils des raies mesurée en
laboratoire nous renseigne par exemple sur l’évolution en température des
manteaux dans les différentes
sources observées, moyen supplémentaire de sonder la structure de la matière le
long des lignes de visée. L’étude des spectres dus aux modes de basses
fréquences (mesurés en laboratoire et observés) à terme à plus grande longueur
d’onde sera un outil essentiel qui devraient permettre de mieux comprendre la
structure des poussières (états cristallins, états de surface). Ce domaine tombe
dans le pic d’émission de l’univers froid et autorisera la cartographie des
solides interstellaires dans l’infrarouge lointain. Il faudra pour cela mesurer
les constantes optiques des matériaux nécessaires à leur interprétation. Dans
ce domaine de longueur d’onde le contraste des raies observées est plus faible
car on se trouve dans un domaine ou coexistent absorption et émission des
poussières. Les régions d’émission et absorption sont en contrepartie plus
étendues.
L’analyse
en laboratoire doit s’effectuer
non seulement dans le but de reproduire et de comprendre mais aussi de prédire
l’évolution thermo-photochimique des poussières interstellaires. Une fois la
composition et la structure des matériaux solides évaluée grâce aux
confrontations laboratoire/observations, il faut développer plus en avant des
expériences qui permettent de prédire les effets de la photochimie et de la
température sur le gaz. Du fait des seuils de détection, les molécules
détectées en infrarouge dans les phases solides sont généralement très
abondantes. Le domaine sub-millimétrique est quant à lui particulièrement adapté
à la détection de plus faibles densités de colonne dans le gaz. Il est donc
pertinent d’étudier les espèces qui s’évaporent des manteaux lors de la
photolyse et pendant le réchauffement
des solides volatiles en laboratoire. Ceci nécessite le couplage des
expériences de spectroscopie en matrice à une autre instrumentation d’analyse
des espèces éjectées des manteaux, comme la spectrométrie de masse ou la
chromatographie (en phase gazeuse ou liquide). On peut ainsi savoir quelles
sont les molécules spécifiques traçant la désorption des manteaux volatiles et
des produits de photolyse et les rechercher avec les grands télescopes IR, mm/submm
dans différents
objets tels que les nuages moléculaires chauds, les disques mais aussi les
comètes de notre système solaire.
Interactions de glaces avec le rayonnement cosmique simulé en
laboratoire
Je me suis intéressé aux irradiations par des
rayons cosmiques de haute énergie simulant au plus près les rayonnements
astrophysiques grâce aux grands accélérateurs (GANIL) dans le cadre d’une
collaboration avec des chercheurs du CIMAP (Caen). Au sein des nuages denses,
les manteaux de glace interstellaires sont exposés aux rayonnements cosmiques.
De nombreux ions rapides contribuent, principalement depuis les protons
jusqu'au Fer, dans le domaine d'énergie du keV jusqu'au TeV. L'irradiation de
glaces produites en laboratoire avec des ions dans la gamme des 50 à 500 MeV
pour simuler les effets des rayons cosmiques rapides à été employée, un domaine
rarement exploré pour les expériences qui utilisent des ions à beaucoup plus
basse énergie et des extrapolations pour en déduire les effets sur les
manteaux. J’ai effectué des expériences visant à examiner l'effet des rayons
cosmiques sur les changements de phase des glaces interstellaires. En
particulier ils induisent une structure amorphe compacte à basse température
pour la glace d'eau, abaissant la porosité des manteaux de glaces. En
conséquence, les rayons cosmiques réduisent significativement la surface
spécifique disponible pour les réactions de surface, diminuant considérablement
l'efficacité des ces dernières. L’efficacité des changements de phase et les
rendements de pulvérisation sous ions lourds de la glace ont été mesurés par
spectroscopie infrarouge. La contribution des ions lourds sur la remise en
phase gazeuse des espèces condensées a pu notamment être évaluée. Les taux de
pulvérisation et de remise en phase gazeuse d'espèces condensées est un aspect
important de la chimie des nuages denses, au même titre que la photodésorption
pour les espèces les plus volatiles, car en l'absence de mécanismes aussi efficaces
l'ensemble de la phase gaz devrait condenser en des temps inférieurs aux temps
de vie des nuages denses. Les données sont rassemblées dans plusieurs
publications (Dartois et al. 2015 Nuclear Instruments and Methods in
Physics Research B; Mejia et al. 2015, Icarus ; Boduch et al. 2015 Journal of Physics Conference Series 629),
ont fait l’objet de présentations à des congrès internationaux (SHIM2015) et
font partie d’une revue (Rothard et al., Journal of Physics B, 2017) et d’une news
"De la glace interstellaire
sous rayonnements cosmiques lourds" (https://www.ias.u-psud.fr/fr/content/de-la-glace-interstellaire-sous-rayonnements-cosmiques-lourd). L'importance
relative des différents mécanismes de désorption est d'une importance capitale
pour les modèles astrophysiques, afin de limiter l'évolution chimique dans ces
régions nuageuses denses à haute densité. Les rendements de pulvérisation pour
les ions rapides simulant les effets des rayons cosmiques sont le plus souvent
mesurés dans la limite semi-infinie en utilisant des cibles de glace épaisse,
avec la détermination du rendement effectif par ion incident.
A gauche : Vue schématique du modèle de
cylindre effectif de pulvérisation. d0 (N0) correspond à l'épaisseur initiale
du film de glace (densité de colonne) et d (Nd) à la profondeur de
pulvérisation (densité de colonne) sondée par un ion incident individuel. rs
correspond au rayon efficace du cylindre de pulvérisation, et ram. au rayon
d'amorphisation. A droite : Pulvérisation électronique observée via l’évolution
des spectres infrarouges en fonction de la fluence d’ions Xe à haute énergie.
L'absorption principale correspond à l'élongation OH de la glace d'eau et
l'insert montre les modes de pliage et de libration.
Dans un travail expérimental récent (Dartois
et al. A&A 2018), j’ai étudié le rendement de pulvérisation en fonction de
l'épaisseur du manteau de glace, exposé aux rayons cosmiques simulés en
laboratoire. Dans ces expériences, la profondeur de désorption caractéristique a
été mesurée. En supposant une forme cylindrique "effective" pour le
volume de molécules pulvérisées, le rapport d'aspect (diamètre/hauteur du
cylindre dans le cas du film de glace semi-infinie) est proche de l'unité. Il
montre que la plupart des molécules éjectées proviennent d'un volume plutôt
compact. Le rendement de pulvérisation d'épaisseur infinie mesuré pour les
manteaux de glace d'eau varie quadratiquement avec le pouvoir d’arrêt électronique
des ions (Se, énergie déposée par unité de longueur de trajet). Les modèles
astrophysiques devraient tenir compte de ces contraintes de dépendance de la
pulvérisation avec l'épaisseur des manteaux de glace.
Manteaux interstellaires extragalactiques
L’activité
sur les glaces interstellaires est stimulée à nouveau par la possibilité de
sonder les glaces dans les milieux denses d’autres galaxies, grâce aux récents relevés
spatiaux (Akari, Spitzer) et la prochaine sensibilité accrue d’observatoires de
nouvelle génération tels que le JWST dans la décennie à venir. Ces milieux
étant différents d’un point de vue environnemental (rayonnement cosmique,
métallicité), ils pourront servir à sonder l'influence de tels facteurs sur
l’abondance des molécules et, idéalement, déterminer certaines réactions
dominantes. J’ai développé une collaboration avec T. Shimonishi et effectué des
observations au VLT de source protostellaires dans le grand nuage de Magellan
afin de contraindre l’abondance des glaces (méthanol et hydrate d’ammoniac)
dans des environnements ayant d’autre métallicités. Ce travail a donné lieu à
une publication (Shimonishi et al. 2016, A&A) et à été présenté à
l’assemblée générale de l’IAU. Le maintien d’un savoir-faire sur différents
aspects connexes de la spectroscopie des glaces me permettra une réactivité
forte quand aux orientations qui découleront des observations à haute
sensibilité du futur pour les sources galactiques.
Spectres
entre
2.5 et 5 μm de sources protostellaires enfouies jeunes dans le
grand nuage de Magellan (combinaison de données sol VLT/ISAAC et espace
AKARI/IRC). Les bandes d’absorption principales des manteaux de glace sont
labellées. Les glaces de méthanol et d’ammonaic qui ont fait l’objet de l’étude sont expliquées plus en
détail dans l’article de Shimonishi et al. 2016.
Interface glaces
interstellaires/planétaires : clathrates hydrates
Les clathrates hydrates
représentent une famille de composé d’inclusion basée sur un réseau de glace
d’eau. Ces
composés d’inclusion pourraient s’avérer d’importance pour la stabilité des gaz
dans de nombreux objets astrophysiques (planètes, comètes, grains
interstellaires) du fait qu’ils fournissent un mécanisme de piégeage jouant un
rôle de préservation dans la phase solides de ces molécules hôtes à des
températures plus hautes qu’attendues, évitant ainsi leur rapide dispersion.
Leur présence modifierait donc la composition absolue et relative des corps
glacés de l'astrophysique, et allongerait les durées de rétention, ou par
exemple la (ré-)injection tardive d'espèces gazeuses dans les atmosphères
planétaires. De nombreuses expériences de laboratoire étudient leur
comportement thermodynamique ou cinétique, mais la meilleure manière de
confirmer leur présence dans les corps astrophysiques viendra probablement
d'observations au moyen de télescopes ou de sondes spatiales à distance de leur
spectre infrarouge. J’ai, entre 2008 et 2016, caractérisé
spectroscopiquement différents clathrates pour apporter des contraintes
expérimentales sur les observables potentielles dans le système solaire. Ces
mesures constituent le premier pas d’une étude visant deux voies d’approche
pour l’astrophysique, en commençant par la détection via la spectroscopie
infrarouge des clathrates. Cependant non seulement une détection ne ferait
qu’un état des lieux actuels mais elle est également limitée aux surfaces
planétaires accessibles et aux petits grains interstellaires. Il est donc
essentiel d’obtenir des informations sur la thermodynamique de leur formation,
mais plus encore la cinétique de formation des cages associées pour les
intégrer à des modèles d’évolution astrophysiques.
Afin
d’établir les lois qui régissent cette cinétique, j’entreprends des expériences
pour suivre au cours du temps, par spectroscopie infrarouge par transformée de
Fourier, la formation de clathrates dans des films de glace pure, minces, au
moyen de l’analyse des raies spécifiques aux molécules piégées dans les cages
de glace. Nous pourrons en déduire la cinétique associée et confronter alors la
thermodynamique à la cinétique dans le cadre astrophysique. Des mesures à
différentes températures de la glace obtenue mettrons en évidence les lois de
formation/diffusion des molécules hôtes dans les cages des clathrates et
pourrons être utilisées dans des modèles astrophysiques. Ces mesures
nécessiteront plusieurs années pour couvrir la cinétique.
Cette
activité concernant des glaces plutôt d’intérêt planétologique contient
également un caractère pluridisciplinaire, car il s’agit de composés
d’inclusion dans lequel la molécule piégée "sonde" le potentiel
d’interaction de la glace d’eau et représente un cas test difficile pour la
modélisation des spectres infrarouges en collaboration avec des théoriciens.
Cette activité permettra également de développer une meilleure compréhension
des interactions dans la glace qui auront des retombées pour les manteaux de
glace interstellaires.
Observations en infrarouge et submillimétrique
Il
est nécessaire d’étendre les observations à des résolutions spatiales
supérieures à celles couvertes par ISO/Spitzer. Le domaine radio est de ce
point de vue complémentaire du domaine infrarouge. Obtenues à partir de
spectres en émission, ces données permettront de contraindre la distribution
spatiale de la matière. A long terme, la résolution spatiale acquise actuellement
par les instruments de la classe d’ALMA permettra de réellement sonder les effets de
l’environnement local sur la chimie, et en particulier dans des objets
similaires à la nébuleuse proto-solaire. Observationnellement, je m’intéresse à
l’étude des interfaces entre les nuages moléculaires et les jets, régions qui
libèrent des molécules auparavant adsorbées sur les grains, avec des antennes
radio uniques, pour les identifier. ALMA permet aujourd’hui d’effectuer des
observations à haute résolution (interférométrie) pour explorer l’existence de
gradients le long de la ligne d’évaporation, et une évaporation sélective des
matériaux de plus en plus réfractaires (CO, CO2,
CH3OH, H2O,
SiO, Si). On peut ainsi tracer l’histoire thermique de l’éjection des matériaux
et comparer les produits aux expériences de laboratoire que je mène. On déduit ainsi l’influence
que ces dégagements de matière dans la phase gazeuse ont sur la chimie.
Physico-chimie des disques
L’évolution
des objets de classe 0 et I (protoétoiles) vers des objets de classe II
(disques circumstellaires) passe par une étape de raréfaction du gaz qui est
éjecté/condensé dans la nébuleuse préstellaire. La mesure de la quantité de
matériau sous forme solide s’effectue
dans le submillimétrique ou le disque est presque entièrement optiquement
mince, l’émission étant alors proportionnelle à la quantité de matériau via une
constante relié à son émissivité. La valeur de cette constante est très
dépendante de la nature du matériau. La recherche observationnelle de
signatures de solides réfractaires et volatiles dans le cas de disques vus par
la tranche ouvre la possibilité de contraindre la nature de ce matériau. Une
fois l’identification faite, les expériences de laboratoire permettront de
reproduire les poussières et de mesurer ainsi les constantes optiques du
matériau. Par comparaison avec un modèle de transfert de rayonnement on obtient
ainsi la quantité de matière dans les phases dominant la masse et le chemin
d’évolution chimique qu’il faut parcourir pour passer des objets de classes 0
aux classes II.
Des solides carbonés interstellaire et interplanétaires au
laboratoire
Les études de la poussière carbonée
interstellaire impliquent des composés riches en aliphatiques et/ou
aromatiques. Il est important de noter que les conditions d’observations et les
compositions de ces deux types d’hydrocarbures apparaissent en astrophysiques
orthogonales (absorption pour l’une émission pour l’autre, caractère
aliphatique versus aromatique). L’ubiquité de la composante aromatique ou phase
riche en PAH et les modèles basés sur ces PAHs sont généralement cohérents avec
les données observationnelles au premier ordre. Un certain nombre de difficultés avec cette
hypothèse subsiste, en particulier en regard du mécanisme d’émission. La
composante aliphatique a pu quant à elle être reproduite en laboratoire, mais
il existe beaucoup moins d’observations de cette composante. Un modèle complet
viable pour la poussière carbonée et son évolution dans le MIS n’est pas encore
d’actualité. Cependant, nos connaissances couplées aux observations montrent
que cette poussière carbonée (à la fois aliphatique et aromatique) est formée
dans sa jeunesse autour d’étoiles évoluées riches en carbone, que celle-ci se
mélange avec le MIS au travers des vents stellaires. La phase aromatique
apparait la plus stable et est donc probablement une phase importante de la séquence d’évolution de la poussière.
L’évolution des grains d’hydrocarbures doit inclure également les effets de la
fragmentation en de plus petites entités dans les vents stellaires et les ondes
de choc mais également la photochimie UV- visible ou l’énergie déposée par les
rayonnements cosmiques qui peuvent conduire à une décroissance du rapport
sp3/sp2, une aromatisation.
Les orientations données par les expériences que je mène en laboratoire
servent à simuler les chemins d’évolution et de modification des solides
observés en astrophysique dans les phases précédant l’incorporation dans les
disques protoplanétaires.
Expériences et modélisation d'évolution d’a-C:H sous rayonnement UV
interstellaire
Production de fragments moléculaire par irradiation VUV
Dans la phase
gazeuse, la plupart des molécules ionisées ou neutres détectées dans le milieu
interstellaire et circumstellaire contiennent au moins un atome de carbone. La
chimie du carbone joue donc un rôle prépondérant dans la compréhension de la
structure et de l'évolution du milieu interstellaire (ISM). Des zones d'intérêt
particulières pour observer les petits radicaux et molécules carbonées sont les
bords de nuages moléculaires exposés à des photons énergétiques.
Ces régions dominées par les photons UV sont riches en hydrocarbures (comme
CCH, c-C3H2, C4H), et fournissent des tests
pour les modèles dans la transition de la chimie du milieu diffus à la phase
moléculaire. Les modèles en phase gazeuse purs ne parviennent généralement pas
à reproduire l'abondance des espèces observées en particulier les plus grosses,
et plusieurs auteurs suggèrent que ces abondances peuvent provenir des produits
de la photodissociation VUV de grains ou de HAPs carbonés. Les carbones amorphes
hydrogénés (a-C:H ou HAC), abondamment observées dans l'ISM, pourraient
également être à l'origine d'un grand nombre de ces petits radicaux carbonés.
Signal intégré du
spectromètre de masse quadripolaire faisant face à un analogue interstellaire
de grain de carbone amorphe hydrogéné du milieu diffus (histogramme en bleu).
Un spectre de masse synthétique montrant les contributions des hydrocarbures
photoproduits (CxHy) est représenté par les barres vertes. Les paquets de
signaux se regroupent autour des masses correspondant à des séries
d’hydrocarbures contenant un nombre croissant d’atomes de C.
Un travail
expérimental de la production et la libération d'hydrocarbures à partir de la
photolyse VUV d'analogues d’a-C:H interstellaires sous haut vide et ultra-vide
à été entrepris, dans le cadre d’un post-doctorat que j’ai encadré (Ivan
Alata). Ce travail a été effectué en collaboration avec l’équipe de Guillermo
Muñoz-Caro au Centre d’Astrobiologie de Madrid. Des analogues à la poussière
carbonée du milieu diffus interstellaire ont été produits avec l’expérience
SICAL (Simulateur d'Irradiation de Carbones Amorphes en Laboratoire) puis
placés sous vide sur un cryostat permettant de descendre en dessous de 10K et
irradiés à l’aide d’une lampe continue VUV, tout en enregistrant les espèces
relâchées en phase gazeuse au moyen d’un spectromètre de masse quadripolaire
(figure ci-dessus). Une première analyse s’est focalisée sur la production
d’hydrogène moléculaire (Alata et al. 2014). La section efficace du processus a
été calculée.
D’autres
expériences en UHV ont ensuite été menées, et les résultats expérimentaux, les
rendements de production d’espèces, ont été appliqués à un modèle de la région
de photodissociation de la nébuleuse de la tête de cheval, pour contraindre
l'impact de ce relâchement de petits hydrocarbures sous UV sur les espèces
observées en phase gazeuse au cours du temps et estimer les temps d’injection
et de destruction (figure ci dessous).
Résultat
d’un modèle dépendant du temps (panneau de gauche) décrivant l’interface de la
région de photodissociation de la nébuleuse de la tête de Cheval. La tête de
Cheval est présentée en insert à droite ou Pety et al. 2005 ont observé la
distribution spatiale de petits hydrocarbures tels que c-C3H2, C4H. Le modèle à
gauche montre l’évolution de l’espèce C4H, lorsque des grains d’a-C :H
sont injectés dans le modèle avec les taux de photodissociation issus de
mesures expérimentales. Les abondances sont montrées en fonction de
l’extinction visuelle dans le nuage illuminé par l’étoile σ Ori qui serait à
droite, et en fonction du temps. Le panneau du haut montre l’abondance après
1000 ans (proche du maximum d’injection par les grains) pour différents modèles
(courbe la plus basse=sans grains ; pointillés =réseau de réaction
jusqu’au CH4 ; tirets=réactions jusqu’à C2Hy ;
courbe la plus haute=réactions jusqu’à C3Hy ). En bas, les
rapports d’abondances pour différents modèles et temps versus le modèle sans
grains, montrant des enrichissements jusqu’à des facteurs d’enrichissement
>1000. Pour plus de détails, voir Alata et al. 2015.
Ce deuxième aspect
combinant expériences et modélisation a fait l’objet de publications (Alata et
al. 2015). Les réactions photolytiques sur des a-C:Hs conduisent à la formation
de H2 et d’hydrocarbures dans l'ISM et la production photolytique
est calculée sur la base de simulations de laboratoire. Ces expériences
montrent l'importance de prendre en compte l'irradiation en volume des grains
de poussière interstellaire, incluant les a-C:H et les HAPs, en plus de la
chimie des surfaces. Les rendements déterminés expérimentalement de la
photodestruction d’a-C:H et les rendements de photo-production d’espèces ont
été injectés dans un modèle astrophysique dépendant du temps pour une région de
photodissociation correspondant à l'environnement de la nébuleuse de la tête de
cheval. Les modèles montrent que les espèces libérées par photolyse permettent
de réduire l'écart entre les abondances d’hydrocarbures observées et modélisées
dans cette PDR. L'échelle de temps de la destruction associée est du même ordre
que ce qui est attendu de la vitesse d'advection du front dans une PDR, de
l'ordre du km/s. Ce mécanisme permet en outre de résoudre le problème de la
production d’hydrogène moléculaire dans les zones des PDRs où les grains sont
trop chauds pour que les mécanismes de physisorbtion/recombinaison de H
(Langmuir-Hinshelwood, Eley-Rideal) puissent être à l’œuvre. Les modèles de
réseaux chimiques devraient inclure ces réactions dans l'avenir, et tenter
d'inclure plus systématiquement les grosses molécules et les hydrocarbures
hautement hydrogénés dans les bases de données de réseau chimiques.
Diffusion de H2 photo-produit dans les grains
interstellaires
Les processus d’irradiation des grains d’a-C:H conduit à la
dissociation des liaisons C-H et la formation de molécules d’hydrogène et de
petits hydrocarbures, comme précisé ci-dessus. Cette photoproduction n’est pas
qu’un processus de surface, la pénétration et l’absorption des photons UV se
produit dans le cœur du grain. A basse température, les molécules d’H2
produites diffusent vers l’extérieur avant de contribuer à l’abondance totale
de H2.
Au moyen d’une configuration expérimentale astucieuse, la dépendance
du coefficient de diffusion avec la température à pu être déterminée dans le
cadre d’un stage d’échange avec l’Espagne, et l’énergie d’activation pour le
processus de diffusion de H2 (D2) dans les grains d’a-C:H (a-C :D) estimé.
Ce coefficient de diffusion décroit rapidement avec la température et pour les
grains très froid un chauffage transitoire doit être présent pour relâcher les
molécules produites par les photons UV dans les régions très froides du MIS.
Cette diffusion et les collisions au sein du grain permettent probablement
d’amener l’équilibre du rapport ortho/para de H2 avec la température
du grain dans lequel elle diffuse, soit un rapport autour de 1.
Mesure
expérimentale par spectrométrie de masse du flux de D2 issu d’un
film d’a-C:D de 3.4 μm d’épaisseur pour trois expériences effectuées à ∼140 K (rouge), ∼130 K (jaune), et ∼120 K (bleu).
L’irradiation commence à t=0 sur la face opposée du film, le temps
d’établissement d’un régime stationnaire, de plus en plus long lorsque la température
décroit, permet de déduire le coefficient de diffusion. Ce même coefficient
peut-être obtenu par l’étude de la décroissance du signal lorsque l’irradiation
est stoppée. Pour plus de détails, voir Martin-Domenech et al. 2016.
Simulations expérimentales
d'évolution des a-C:H sous rayonnement cosmiques
Dans le but de décrire
l’interaction solides-rayonnements astrophysiques,
j’ai démarré une collaboration pour la simulation de l’interaction des rayons
cosmiques de haute énergie sur les grains carbonés, sur l’une des branches
développées en bout de ligne de l’accélérateur Allemand GSI, au travers de
collaboration avec des chercheurs du Materialforchung (Darmstadt, figure
ci-dessous) et des chercheurs des laboratoires du campus d’Orsay l’IPNO,
l’ISMO, le CSNSM. De nombreux ions rapides contribuent dans l’espace à
l’évolution de la matière, principalement depuis les protons jusqu'au Fer, dans
le domaine d'énergie du keV jusqu'au TeV.
Ces
expériences permettent de quantifier la contribution des ions lourds sur la
remise en phase gazeuse des espèces produites par radiolyse de grains carbonés.
Le développement de ces expériences se poursuit actuellement, après une
première publication rassemblant les résultats expérimentaux obtenus (Dartois
et al. 2017), ainsi que l’impact pour l’astrophysique. Ce travail a fait aussi
l’objet d’une news : "Une
simulation expérimentale de l’éjection d’espèces carbonées par les grains
interstellaires soumis au rayonnement cosmique"
(https://www.ias.u-psud.fr/fr/content/une-simulation-exp%C3%A9rimentale-de-l%E2%80%99%C3%A9jection-d%E2%80%99esp%C3%A8ces-carbon%C3%A9es-par-les-grains)
A
gauche : Montage expérimental sur
la branche M3 de l’accélérateur à GSI pour la mesure in-situ de l'effet des
rayonnements cosmiques sur les carbones amorphes hydrogéné à basse température.
A droite : cibles d’analogues astrophysiques.
Sur la base de l'analyse des effets des différents faisceaux d’ions
couvrant une gamme de dépôt d’énergie, nous avons déterminé les sections
efficaces de destruction des a-C:H en fonction du pouvoir d'arrêt pour nos
analogues carbonés astrophysiques. Nous avons effectué le suivi des modifications
des différentes bandes infrarouges associées à la structure chimique des grains
analogues en fonction de la dose, pour une contrainte plus forte apportée à
l’interprétation. Des analogues suités, avec un haut rapport d'hybridation sp2/sp3
et un contenu en hydrogène beaucoup plus bas que le cas des a-C:H produits ont
été soumis au même traitement expérimental.
Grains carbonés interstellaires mesurés dans le VUV
J’ai récemment encadré un projet de recherche post-doctoral (L.
Gavilan) dédié à la caractérisation spectroscopique d’analogues de grains
interstellaires carbonés dans l'ultraviolet. A l’IAS, nous avons préparé des
matériaux de la phase carbonée, tels que les carbones amorphes hydrogénés
(a-C:H) produits par décharge plasma. Ces matériaux ont été analysés sur
l'ensemble du domaine spectral (de l’IR à l’UV). Le travail s’est
principalement focalisé sur le domaine de l'ultraviolet lointain (190 - 250
nm), ainsi que de l'ultraviolet du vide (< 190 nm). Ce domaine a, jusqu’à
présent, été très peu exploré au laboratoire car beaucoup plus difficile
d'accès expérimentalement. Actuellement, même les spectres observés dans
l’espace (par exemple avec l’International Ultraviolet Explorer) s’arrêtent à
120 nm. Nous sommes intéressés par l’extension des mesures des carbones
fabriqués au laboratoire au-delà de cette limite, en prévision des prochaines
missions spatiales.
Dans une première étape de ce projet, nous avons défini, installé et
développé un réacteur plasma à couplage induit utilisant une source
radiofréquence. Ce système à été caractérisé pour pouvoir contrôler l’épaisseur
des films grâce à des mesures spectrales dans l’UV et l’IR et fabriquer des
échantillons ultra-minces (< 100 nm) afin de pouvoir les étudier dans la
gamme VUV. Différents régimes de
puissance de la source, et de précurseurs, ont été explorés dans le but de
modifier leur rapport aliphatique/ aromatique. Des mesures avec un microscope à
force atomique en collaboration avec A. Dazzi du LCP, ont servi à confirmer les
épaisseurs déduites par des avec des méthodes optiques.
Spectres
VUV de films ultra-fins d’a-C:H et de suies analogues aux grains carbonés
interstellaires, normalisés à une épaisseur optique τ(∼10 μm−1).
Les données sont issues de la combinaison de spectres mesurés sur le
synchrotron Soleil, sur la ligne de lumière DISCO. Les suies montrent une forte
bande autour de 4 μm−1,
caractéristique des transitions électroniques p-p*, avec une contribution très
faibles dans les a-C:Hs. Plus
de détails dans l’article de Gavilan et al. 2016.
Au cours de quatre campagnes des mesures (entre 2014 et 2015) sur la
ligne DISCO au synchrotron SOLEIL, nous avons réussi à mesurer les spectres de
films d’a-C:H et de suies (fabriquées en collaboration avec T. Pino à l’ISMO)
jusqu’à 50 nm. Nous avons aussi mesuré ces matériaux dans l’infrarouge sur la
ligne SMIS pour corréler les mesures dans l’UV avec celles de la bande à 3.4
µm. Nous avons mis en place un
modèle d’inversion Kramers-Kronig pour calculer les constantes optiques d’un
a-C:H dans le VUV. Avec ces constantes nous avons pu modéliser une courbe
d’extinction et comparer à celles issues d’observations faites par IUE. Ces travaux ont fait l’objet de publications
(Gavilan et al. 2016, 2017, A&A) et l’analyse de corrélations entre
domaines infrarouge et ultraviolet sur un échantillon d’analogues
interstellaires polyaromatiques
complet a été présentée.
Comparaison milieu
interstellaire et interplanétaire
Lorsqu’on regarde les similitudes
frappantes entre les observations des comètes pour la phase réfractaire des
grains et certaines sources interstellaires, il apparaît crucial de pouvoir
comparer les mesures du milieu interstellaire à celles du système solaire. Des
critères chimiques tels que le fractionnement en deutérium, la composition
globale, l’arrangement moléculaire au sein de glaces, nous permettront, s’il
s’avère que les corps cométaires et les grains interstellaires sont
chimiquement similaires, de réellement considérer les objets protostellaires
comme des milieux d’études privilégiés pour la connaissance de l’évolution de
la nébuleuse protosolaire.
Matière extraterrestre collectée
Il existe plusieurs voies d’approches spectroscopiques pour étudier
les liens possibles entre les phases jeunes observées dans les disques
protoplanétaires et la matière primitive de notre système solaire :
observationnelle pour les objets distants (associée à une modélisation adéquate
du transfert de rayonnement) ; la collecte et l’analyse en laboratoire de
matériaux extraterrestres potentiellement très primitifs et issus du processus
de formation du système solaire.
La matière primitive, exempte de tout processus d’altération a
peut-être diffusé dans la nébuleuse solaire et s’est incorporée dans des
parties des matériaux collectés et observés aujourd’hui. Cependant, les
résultats de la mission Stardust ont confirmé que la nébuleuse a traversé un
épisode de mélange radial intense. Une partie de la matière s’est approchée du
soleil jeune, a subie des altérations thermique, des irradiations et pourrait
jusqu’à avoir été réinitialisée dans une phase atomique puis re-condensée. Des
processus dans les corps parents résultants peuvent également avoir modifié la
structure et la composition chimique de la matière solide carbonée. Il s’avère
donc une tâche difficile de dresser une histoire de filiation entre les
différents matériaux accessibles aux astronomes, bien qu’une telle tâche doive
être considérée comme prioritaire pour comprendre la formation de notre système
solaire et des disques protoplanétaires en général.
Les simulations de la phase solide du MIS et de la nébuleuse
proto-solaire et de leur évolution peuvent être effectuées en laboratoire.
Celles-ci, au travers de différentes méthodes d’analyse (spectroscopie
UV/Vis/IR, Raman, spectrométrie de masse, HRMET, composition élémentaire,
GCMS), permettent d’éclairer les interactions complexes entre les processus
physiques et chimiques agissant dans le milieu interstellaire diffus, durant la
phase de nébuleuse solaire primitive et par la suite les processus affectant la
matière libérée par les corps parents contemporains.
J’ai depuis longtemps démarré la caractérisation des analogues de
poussières au moyen d’un large panel de techniques spectroscopiques
complémentaires, dans le but de déchiffrer les relations liant les structures,
leurs voies de formation physico-chimiques et d’évolution. En synergie entre
partenaires et collaborateurs, nous analysons d’authentiques micrométéorites
extraterrestres collectées en Antarctique, en se focalisant sur leur contenu
organique. Nos analyses multi techniques combinées permettent de définir ce que
les simulations d’analogues en laboratoire peuvent apporter pour comprendre le
passé du système solaire (MIS, mélange radial, altération). L’un des objectifs
clés est d’identifier, dans la diversité des structures physico-chimiques
rencontrées, celles qui seraient spécifiques voire uniques concernant un
processus ayant lieu dans ce
scenario complexe, ou sinon qui puisse être opposé pour invalider un scénario
proposé.
Dans le consortium impliqué dans ces analyses, je suis
particulièrement impliqué dans l'analyse par
spectroscopie Raman et micro-spectroscopie infrarouge au synchrotron SOLEIL en complément
d’analyses EDX, nano-SIMS, pour la caractérisation des MMAs, en
collaboration avec les partenaires du CSNSM et l'ISMO. Un protocole de mesure
expérimentale au moyen de cellules de compression diamants évacuées sous vide a
été mis en place. Une séquence de mesures multi techniques (micro-spectrocopie
infrarouge, Raman, EDX, nano-SIMS) est entièrement qualifiée.
Des micrométéorites
précieuses ont été sélectionnées en collaboration avec le CSNSM pour la suite
des études. Elles ont été collectées à proximité de la station franco-italienne
CONCORDIA (IPEV/PNRA) dans les régions centrales du continent antarctique. Ces
micrométéorites, extrêmement riches en matière carbonée, sont rares et ne
représentent qu’environ 1% de l'ensemble des micrométéorites de cette
collection.
Des analyses
combinées en micro-spectroscopie infrarouge, Raman et spectrométrie de masse
des ions secondaires ont été réalisées sur ces échantillons à l’échelle
micrométrique. Ces études révèlent une matière organique caractérisée par des
concentrations en azote exceptionnellement élevées, qui s'apparente à un
nitrure de carbone hydrogéné polyaromatique. Cette matière organique est très
enrichie en deutérium (un isotope naturel de l'hydrogène), une signature
caractéristique d'une évolution chimique dans un environnement de très basse
température.
Les
résultats ont été obtenus dans une collaboration incluant des chercheurs de
l'IAS, du CSNSM, de l'ISMO, du LMCM-MNHN et de SMIS/SOLEIL, grâce à la ligne de
lumière SMIS/Soleil, à la sonde électronique de l'équipe CAMPARIS à Jussieu,
la NanoSIMS (financement CNRS, Région Île de France, MESR et MNHN). La collecte
de micrométéorites est effectuée à la station antarctique CONCORDIA grâce au
soutien des instituts polaires Français et Italiens (IPEV et PNRA).
Ils ont fait
l’objet de publications et de communiqués :
CNRS-INSU "Des micrométéorites provenant du
système solaire externe"
(http://www.insu.cnrs.fr/node/4310)
"Des Français font parler des poussières
extraterrestres", Article dans le journal Le Monde du 6 avril 2013
"On a peut-être découvert des
micrométéorites du nuage d'Oort"
http://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/astronomie-on-peut-etre-decouvert-micrometeorites-nuage-oort-45807/
De nouvelles
mesures sur d’autres UCAMMs pour étendre la statistique de mesure sur un plus
grand nombre et décrire leur diversité de composition ont été menées. La
collaboration a permis la première étude systématique de huit UCAMMs en
utilisant des techniques de micro-spectrocopie infrarouge sur synchrotron (μ-FTIR), de
spectrométrie Raman visible et d’analyses par microsonde électronique. Les
résultats révèlent un composant organique dont le rapport entre les liaisons CH
de type aliphatique et aromatique C=C est faible. La teneur en azote de la
matière organique est très supérieure à celle observée dans la matière
organique extraite des météorites ou des poussières interplanétaires classiques
alors que la teneur en oxygène s’avère inférieure. Les spectres μ-FTIR sont
compatibles avec la présence de groupements fonctionnels de type cétone ou
aldéhydes et certains spectres IR et Raman montrent des signatures de liaisons
de type nitriles. Les spectres sont compatibles avec la présence de liaisons
C-N dans un réseau carboné différent de celui observé dans la matière organique
extraite des météorites. Enfin, le rapport silicium sur carbone des UCAMMs
s’avère très inférieur à celui de la matière extraterrestre analysée à ce jour
(météorite, poussières interplanétaires).
Images en électrons rétrodiffusés mesurées à 15kV des
fragments de micrométéorites (UCAMMs) analysées dans cette étude. Les barres
d’échelle correspondent à 5 μm pour chaque image.
L’ensemble de ces
résultats indique que les processus physico-chimique à l’origine de la
formation de la matière organique des UCAMMs ont eu lieu dans un environnement,
froid et riche en azote, soumis à un rayonnement énergétique (photons, rayons
cosmiques). De telles conditions sont réunies à la surface des petits corps
glacés situés dans le système solaire externe.
A gauche, les abondances d'azote des UCAMMs (étoiles) par
rapport au carbone (rapport atomique) sont comparées aux solides du système
solaire, en fonction de la distance héliocentrique. A droite, de même pour
l'abondance du carbone par rapport au silicium (rapport atomique), par rapport
aux solides du système solaire.
Les rapports
d’abondance de C/Si et N/C dans les UCAMMs analysées dans ce travail sont les
plus élevés observés dans le système solaire. Ils confirment la possibilité
d’un gradient des rapports d’abondances élémentaires d’éléments majeurs, C/Si
et N/C dans les phases solides du disque protoplanétaire qui entourait le jeune
Soleil. Les UCAMMs ouvrent la possibilité d’obtenir de nouvelles connaissances
sur la composition de la surface des petits objets glacés les plus éloignés de
notre étoile et participent à une meilleure compréhension de l’origine de la
matière organique interplanétaire.
Ces travaux
récents ont fait l’objet de publication et de communiqué INSU :
CNRS-INSU "Des micrométéorites antarctiques
ultracarbonées révèlent un nouveau type de matériau cométaire"
(http://www.insu.cnrs.fr/node/8517)
A gauche : entrée de la tente laboratoire installée
au camp d’été du Dome C en Antarctique. A droite :
micrométéorite de type « sphérule cosmique » observée au moyen d’un
microscope binoculaire, sur place, dans l’un des filtre de collecte.
J’ai
participé à une campagne de collecte de micrométéorites (P.I. Jean Duprat,
CSNSM) lors d’une mission sur le terrain au Dome C en Antarctique (Décembre
2015-Février 2016, figure ci-dessous), afin de ramener de nouveaux
échantillons. Je participerai à une nouvelle mission de collecte durant la
période de Décembre 2018 à Février 2019.
Scénario de formation des
micrométéorites ultracarbonées par irradiation cosmique
Dans
le cadre d’une thèse en co-tutelle (Basile Augé, au GANIL), nous avons effectué
des mesures expérimentales pour valider les scénarios de formation de matière
organique riche en azote que nous avions avancés dans les publications
relatives aux analyses des UCAMMs, et déterminer les temps caractéristiques
nécessaires à leur formation. Le scénario astrophysique permettant d'expliquer
la formation d'une matière organique aussi riche en azote n’est pas trivial. Il
implique très probablement l’irradiation d’un corps céleste à très basse
température, dans des conditions rencontrées dans les parties les plus externes
du système solaire, au delà de la région de Neptune. La surface des petits
corps glacés qui orbitent à de telles distances héliocentriques subissent une
irradiation par le rayonnement cosmique galactique. Sous l'effet de ce
rayonnement, la matière organique réfractaire produite à la surface des objets
couverts de glaces d'azote moléculaire et de méthane pourrait présenter les
caractéristiques chimiques et isotopiques révélées par cette étude.
Il est possible que
le corps parent d’où proviennent les poussières étudiées appartienne à la
ceinture de Kuiper ou au nuage de Oort, les deux réservoirs cométaires
contenant les objets les plus lointains liés gravitationnellement à notre
étoile. La composition de la matière organique de ces micrométéorites ainsi que
leur faible contenu en minéraux sont des caractéristiques différentes de celles
observées dans les météorites primitives de type chondrite carbonée ou les
échantillons collectés dans la coma de la comète Wild 2 par la mission
NASA/Stardust. L'étude in situ de la composition des noyaux des comètes apporte
des informations sur les processus de formation du système solaire. Les
résultats de cette étude et leurs implications astrophysiques font l’objet d’une
analyse des scénarios astrophysiques (Augé et al. 2016). Nous menons de
nouvelles études actuellement pour simuler expérimentalement des scénarios de
formation incluant les variations isotopiques observées dans les
micrométéorites.
En bref :
Mon
expérience personnelle et ma recherche passée m’ont permis de me familiariser
aux techniques expérimentales (simulations en laboratoire), observationnelles
(IRAM/30m et PdBI, VLT), de réduction de données (ISO, Spitzer, IRAM, VLT) et
d’interprétation et de modélisation de données. Les moyens d’études des
poussières interstellaires et la croissance rapide des moyens d’observation
multi-longueurs d’onde, de l’infrarouge vibrationnel (p.e. JWST) à l’infrarouge
lointain (p.e. Herschel, SPICA) et jusqu’au domaine radio-mm (ALMA) font
prévoir une évolution importante de cette thématique vers la compréhension de
l’évolution chimique des nuages moléculaires et des origines des matériaux qui
ont composés les surfaces planétaires lors de leur formation. Parallèlement,
l’étude des poussières cométaires et interplanétaires va progresser
sensiblement grâce aux missions spatiales d’envergure qui leur ont été ou
seront consacrées (p.e. Stardust, Rosetta, Hayabusa 1 et 2, Osiris-Rex).
Je
consolide et approfondis la thématique de la physique et chimie du milieu
interstellaire par cette approche pluridisciplinaire (expériences de
laboratoire, observations, modélisation) qui me caractérise et forme la base
sur laquelle je proposerai les développements abordés au sein des équipes dans
lesquelles je m’insère.