Dans le privé, on parle de passer à une semaine de 60h. Pour les fonctionnaires, il s’agit de renoncer à prendre « trop » de congés après le confinement. Derrière les discours lénifiants sur le dévouement des personnels, leur fatigue accumulée, il s’agit bien de préparer l’après, c’est-à-dire la relance de l’économie. Et pour cela : tout le monde sur le pont !C’est ainsi qu’il faut comprendre l’ordonnance, qui fait suite à la déclaration d’E.Macron lundi 13 avril, annonçant que les personnels BIATSS sont tenus de prendre 5 jours de congés d’ici la fin du confinement pour les agents en télétravail, et carrément 10 jours pour ceux placés en « autorisation spéciale d’absence » (dont 5 rétroactivement!). Il faut être clair, les plus touchés par cette seconde mesure sont : * Les personnels de catégorie C assurant des tâches d’exécution comme l’accueil, le ménage, la gestion technique des bâtiments, ou n’ayant pas de moyens informatiques pour télétravailler. * Les mères de famille qui ont encore majoritairement la responsabilité de s’occuper des enfants. Nous posons la question, les personnels sont-ils responsables de cette situation ? Bien évidemment, non. Par contre, ce gouvernement, qui veut nous voler jusqu’à 10 jours de congés, a initié ou prolongé : * la baisse drastique des crédits de la recherche publique, y compris ceux engagés sur les coronavirus suite à la crise du SRAS en 2003; * la suppression de 100 000 lits hospitaliers en 20 ans avec les terribles conséquences actuelles; * la pénurie de masques; * le laissez-faire des fermetures d’usines pharmaceutiques et des délocalisations, responsable du fait que dès le début les personnels de santé, ceux travaillant dans les Ehpad, ceux de la distribution et des transports, etc, ont travaillé sans les moyens de protection nécessaires. Cette obligation de déposer des congés est une attaque supplémentaire contre nos statuts et nos droits. Elle représente 17 à 22 % de nos congés annuels. Elle utilise la loi d’urgence sanitaire qui autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance sans consulter le parlement. L’enjeu est de donner les moyens aux employeurs de pouvoir faire travailler davantage à la fin du confinement. De plus peut-on avoir confiance quand on prétend que ces ordonnances sont censées être limitée dans le temps, celui de la pandémie et de la crise ? Quand décidera-t-on qu’elles sont terminées ? Quand les virus auront disparu de la surface de la Terre ? Quand la Croissance sera remontée à 5 % par an ? De même que Vigipirate n’a jamais été supprimé, de même que la plupart des mesures de l’état d’urgence terroriste ont été pérennisées dans la loi ordinaire, les régressions sociales et citoyennes de pandémie ont vocation à se prolonger indéfiniment.En ce qui concerne plus spécifiquement nos métiers, le président du CNRS, pourtant adepte d’une LPPR « inégalitaire et darwinienne », a décidé de ne pas utiliser la possibilité offerte par l’ordonnance d’imposer 5 jours de congés aux télé-travailleurs. Il n’y a aucune raison que la Grande Université Paris-Saclay ne fasse pas de même. Plus généralement, on reconnaît ici plusieurs techniques éprouvées : * le va-et-vient privé/public, largement utilisé par le passé pour reculer l’âge de la retraite : on impose une semaine de congés pendant le confinement dans le privé, puis quelques temps plus tard dans le public, mais en se dispensant d’obtenir l’accord des syndicats. La prochaine étape logique serait de se passer également d’un accord syndical dans le privé… * la stratégie du choc : on profite que les citoyens soient sonnés ou terrifiés par une catastrophe ou une vague d’attentats pour introduire des régressions sociales, au prétexte de résoudre cette crise * la minoration du dialogue social avec les organisations syndicales Par ailleurs, les organisations syndicales et citoyennes sont empêchées par le confinement de manifester et même de se réunir, ce qui réduit leur possibilité de peser. Ce à quoi nous assistons, sous le prétexte de la « solidarité », c’est bien une tentative de faire payer aux travailleurs la crise économique à venir. Alors quand on sollicitera votre solidarité envers les travailleurs du privé, les infirmières ou les morts des EHPAD, vous saurez quoi répondre… Voici le lien vers l’ordonnance en question : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041801063Et la note d’accompagnement qui la traduit en français : https://www.legifrancegouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041801060
A propos de la situation actuelle
La situation actuelle est une conséquence de la destruction continue du système de santé par les gouvernements successifs au profit du privé. Dans la Fonction Publique, cette politique s’est traduite par une réduction drastique des financements publics et une attaque directe contre les conditions de travail des personnels et contre leur statuts. Aujourd’hui c’est donc dans des conditions désastreuses que sont mobilisé.e.s les personnels de santé. Ce contexte rend la période exceptionnelle et nous voulons mettre en garde sur les dangers de vouloir continuer à fonctionner à distance à un rythme ordinaire comme si de rien n’était. La période que nous vivons N’EST PAS NORMALE et nous fonctionnons, chacun.e selon les circonstances, dans un mode dégradé. Étudiant.e.s, personnels, titulaires, vacataires ou contractuel.le.s, nous vivons dans des circonstances hétérogènes. Les conditions matérielles de confinement, d’approvisionnement, d’accès à une connexion, la présence d’enfants, de parents, la maladie de soi ou d’un proche ou encore l’anxiété, créent des situations très diverses. Certain.e.s peuvent travailler à plein-temps, d’autre à temps très partiel, d’autres pas du tout, et les situations vont nécessairement évoluer. Or, il est impossible de faire autant en télétravail, dans des conditions plus ou moins adaptées (maladie, école à la maison,…) que sur le lieu de travail, proche de ses collègues. Il est donc illusoire et dangereux de programmer la reproduction à l’identique de tous les cours au format vidéo, de demander un reporting serré des activités réalisées, ou de chercher à délivrer des enseignement ou des notes, à un rythme ordinaire et coûte que coûte. En aucun cas on ne pourra évaluer nos étudiant.e.s de manière égalitaire en distanciel. Il semble qu’en moyenne une dizaine de pourcents de nos étudiant.e.s n’ont pas d’ordinateur avec un accès internet, que 30-40 % d’entre iels n’ont pas d’endroit où étudier de manière isolée. Il faut donc proscrire les évaluations en distanciel, que ce soit en contrôle continu ou terminal. Encore moins que d’habitude, nous devons accepter de nous laisser guider par l’importance de noter, ce qui est un but très différent de celui d’enseigner et de transmettre.La situation actuelle appelle à réviser nos priorités, en ne mettant pas forcément en tête celle de la continuité pédagogique. S’entraider est prioritaire, que cela concerne des proches ou de manière plus large comme en se portant volontaire pour aider l’Assistance Publique ou la réserve civique (voir http://jeveuxaider.gouv.fr).