Les choix technologiques sont des choix déterminant pour l’avenir : pour les infrastructures informatiques de Paris Saclay faisons le choix de la liberté et de la souveraineté numérique.
Les élu·es UHDE soutenues par la FSU et la CGT souhaitent exprimer leur vive inquiétude concernant l’adoption de la suite Microsoft Office 365 par une partie des membres de Paris Saclay. Cela concerne Centrale-SupElec et l’ENS, puis possiblement une pérennisation sur le périmètre ex-PSud de la solution provisoire adoptée dans l’urgence suite à la cyberattaque.
Nous tenons à rappeler que le choix de Microsoft Office 365 serait en complète contradiction avec les enjeux de souveraineté numérique et une violation caractérisée des obligations légales en matière de protection des données individuelles et des données de la recherche. Cela irait également à rebours des règles de priorité au logiciel libre promues par l’État français et l’Europe. Cela constituerait une ingérence supplémentaire du secteur privé dans nos établissements publics. Enfin, cela serait une perte de compétences qui porterait atteinte à notre souveraineté, et à nos libertés académiques.
Les élu·es UHDE exigent :
- que les choix de technologie des systèmes d’information soient discutés de façon transparente avec tous les personnels et étudiant.es de Paris Saclay
- la priorité absolue aux solutions libres, open source et européennes, conformément aux recommandations de la DINUM (Direction Numérique), aux lois ESR et République numérique, et aux exigences de sécurité et de souveraineté.
Développons :
(pour aller plus loin, nous vous invitons aussi à lire cet article écrit par des collègues de l’université Paris Saclay)
- Comme toutes les entreprises états-uniennes, Microsoft est soumise à la réglementation FISA [1] qui l’oblige à fournir au gouvernement US les données en sa possession quelles que soient la nationalité de ses clients et la localisation des serveurs de stockage. Vos mails Outlook et fichiers OneDrive sont en libre accès pour Trump, Musk et Vance.
- Ce transfert possible de données outre-Atlantique est pour le moins malaisant, mais il rend également les outils en ligne des GAFAM non conformes au RGPD [2], ainsi qu’à la doctrine [3] d’utilisation de l’informatique en nuage par l’État, ou encore à la directive européenne sur la protection du secret des affaires [4]. La direction interministérielle du numérique (DINUM) a d’ailleurs spécifiquement interdit l’utilisation d’Office 365 dans les administrations [5]. Notons que les gendarmes sont passés au logiciel libre depuis plus de 20 ans et s’en sortent très bien ainsi. Mais peut-être sont-ils plus intelligents que nous.
- L’enseignement supérieur et la recherche ont de plus des réglementations particulières vis à vis du numérique [6], qui nous imposent l’usage prioritaire des logiciels libres.
- Les outils numériques que nous imposons à nos étudiant.es font partie de leur formation, surtout quand il s’agit d’une suite logicielle complète telle qu’Office 365 (et pas seulement un webmail). Au bout de 3 à 8 ans d’usage quotidien, on n’a pas envie de changer, et les grands éditeurs le savent bien en accordant des tarifs préférentiels aux établissements d’enseignement [7]. Le choix de Microsoft constituerait ainsi une préconisation implicite envers nos étudiants de dépenser l’argent de leur futur employeur au profit d’une multinationale américaine, au détriment de l’écosystème numérique français et européen en gaspillant pour cela les fonds publics de notre université. De plus, les méthodes et outils de travail que nous voulons transmettre relèvent de choix pédagogiques et doivent donc être discutés au sein des départements d’enseignement.
- L’utilisation des réseaux numériques pour l’échange de messages, le partage de données, la publication et le calcul à distance provient du milieu académique (ainsi que l’idée même de logiciel libre), et le périmètre Rocquencourt-Saclay-Orsay en a été la pointe française pendant des décennies. Les compétences sont là.
La maîtrise de ces outils en interne est essentielle pour garder le contrôle de nos missions académiques : produire le savoir, en discuter entre pairs, le préserver et le diffuser auprès des étudiant.es et du public.
Le petit supplément de confort que certain.es pourraient trouver à l’utilisation des outils en ligne Microsoft ne peut suffire à contrebalancer ses aspects négatifs.
Références
[1] Le Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA, section 702 amendée en avril 2024) et le CLOUD Act américains autorisent un accès extraterritorial et systématique aux données stockées et traitées par des entreprises américaines.
[2] Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD, Règlement (UE) 2016/679, notamment les articles 44 et suivants) impose des obligations strictes et impératives en matière de protection des données personnelles et de leur transfert hors de l’Union Européenne.
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45446
Si le système ou l’application informatique traite des données (…) d’une sensibilité particulière et dont la violation est susceptible d’engendrer une atteinte (…) à la protection de la propriété intellectuelle, l’offre de cloud commerciale retenue devra impérativement (…) être immunisée contre tout accès non-autorisé par des autorités publiques d’État tiers.
[4] La Directive (UE) 2016/943 sur la protection des secrets d’affaires impose des obligations strictes en matière de protection des informations confidentielles et du savoir-faire des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que de leurs partenaires industriels
* L’arrêt “Schrems II” de la CJUE a invalidé le “Privacy Shield” et a confirmé l’impossibilité de transférer légalement des données vers les États-Unis sur la base de simples clauses contractuelles types.
[5] https://acteurspublics.fr/upload/media/default/0001/36/acf32455f9b92bab52878ee1c8d83882684df1cc.pdf
Note DINUM du 15/9/2021
Les solutions collaboratives, bureautiques et de messagerie proposées aux agents publics relèvent des systèmes manipulant des données sensibles. Ainsi, la migration de ces solutions vers l’offre Office 365 de Microsoft n’est pas conforme à la doctrine Cloud au Centre.
[6] La loi ESR de 2013 (article L123-4-1 du Code de l’éducation) et la loi pour une République numérique de 2016 (article 16) imposent l’usage prioritaire des logiciels libres dans l’enseignement supérieur et la recherche.
[7] A l’ENS, Microsoft offre 3 licences « étudiant » pour chaque licence « personnel » achetée, or « quand c’est gratuit, c’est vous le produit », et ils se rembourseront sur les ventes plein pot aux futurs employeurs de nos étudiant.es.


