Années 2011-2014: Contrat de collaboration BRGM-Université Paris-Sud

brgmimages

ORFLUO: ORigine des minéralisations de FLUOrine CaF2 de la bordure sud-est du Bassin de Paris (Morvan, France).

Contrat de Collaboration Brgm-Université Paris-Sud.

Responsable Scientifique : Benjamin Brigaud

Durée: 3 ans, année: 2011-2014

Résumé
L’Europe de l’Ouest a été un producteur important de fluorine, et la France a fourni depuis 1861 environ 11 Millions de tonnes de CaF2 provenant de 80 gisements (Lhégu et Touray, 1980). La majorité de la production française a été réalisée par l’exploitation des gisements filoniens dans le Massif central. Dans les années 1960-1970, d’importantes recherches de minéralisations ont été entreprises et ont permis de reconnaître des réserves importantes en Bourgogne. Ces travaux d’exploration ont mis en évidence des gisements stratiformes localisés le long des bordures du Morvan, à la base de la série sédimentaire mésozoique remplissant le Bassin de Paris. Ces gisements constituent une des réserves en CaF2 les plus importantes d’Europe, avec une estimation de réserves d’environ 10 Mt de CaF2 (Soulé de Lafont and Lhégu, 1980), plaçant la France au 6ème rang des pays au niveau des réserves reconnues de CaF2 (U. S. Geological Survey, 2008). Par ailleurs, la fluorine fait partie des ressources minérales stratégiques identifiées par la « EU  Raw Material Initiative » avec  13 autres éléments critiques tels que Be,  Co, Ga, Ge, In, Mg, Nb, métaux du groupe du platine, métaux du groupe des terres rares, Sb, Ta, W.

Dans les années 70-80, des datations sur les adulaires contenues sur les parois des filons formant les gisements filoniens de fluorine dans le Massif central ont permis de dater cette phase de minéralisation entre 185-195Ma (Joseph et al., 1973; Baubron et al., 1980). La découverte pendant la même période des gisements stratiformes dans les dépôts sédimentaires du Trias et Lias (environ 200Ma) sur la bordure du Morvan a amené à proposer un mécanisme commun de mise en place des gisements filoniens et stratiformes. Des circulations hydrothermales de saumures se mettant en place lors d’une phase d’extension régionale, correspondant à l’ouverture de la Téthys au début du Lias (200 millions d’années), ont été suspectées être à l’origine des minéralisations de fluorine, mais aussi de barytine (BaSO4), galène (PbS), blende (ZnS), pyrite et marcasite (FeS2), (Soulé de Lafont et Lhégu, 1980). Plus récemment, la ré-examination du gisement filonien et stratiforme de Chaillac (Indre), sur la bordure Sud-ouest du Bassin de Paris, montre que deux stades successifs de circulations ont pu être à l’origine des minéralisations (Sizaret et al., 2009). L’ébullition en profondeur d’un fluide hydrothermal (vers 1,6km), aurait permis la mise en place de 2 fluides de compositions très différentes à partir d’un seul événement hydrothermal daté de 200Ma environ. Dans cette hypothèse « hydrothermalisme », le fluor proviendrait du socle, et remonterait le long d’accidents actifs lors l’extension liasique (Sizaret, 2002; Sizaret et al., 2009). Ce scénario expliquerait les températures du fluide minéralisateur (90-120°C) et les salinités variables. Dans son étude des gisements stratiformes de la bordure sud du Bassin de Paris, Nigon (1988) propose une autre hypothèse dans laquelle le fluor proviendrait des évaporites du Trias. Dans cette hypothèse, un fluide marin s’infiltrerait per descensum, pendant le Lias, depuis la surface du bassin jusqu’à atteindre le socle. Lors de la traversée du Trias évaporitique, le fluide se chargerait en NaCl et atteindrait des températures de 90-120°C dans le socle, et remonterait ensuite par les accidents bordant le bassin. Pendant le Lias, un système hydrologique gravitaire doit s’initier, expulsant les fluides vers les profondeurs du bassin, et des accidents important doivent exister vers les bordures. Nous pouvons nous demander si ces conditions sont réunies au Lias.

Par ailleurs, dans l’Est du Bassin de Paris, une étude pétrographique précise des ciments intergranulaires obturant la porosité dans les carbonates du Dogger montre un stade de minéralisation de fluorine qui semble être associé à l’extension oligocène (Brigaud et al., 2009). Des circulations dans le Trias évaporitique remonteraient le long d’accidents actifs lors de l’Oligocène. Cependant, ce modèle ne permet pas d’expliquer les concentrations importantes en CaF2. D’autre part, les études de certains filons de fluorine du seuil du Poitou ont permis d’attribuer leur mise en place de l’Aptien-Albien (Cathelineau et al., 2004; Boiron et al., 2010). Au vue de ces quelques études, aucun modèle métallogénique synthétique expliquant la formation des minéralisations du Bassin de Paris n’existe.

Cependant, il est important de noter que très peu d’études ayant examiné et documenté l’origine de la mise en place des gisements stratiformes français ont été réalisées depuis presque 30 ans (thèses de Nigon, 1988 et Sizaret, 2002). Nos connaissances sur ces gisements sont donc très parcellaires, et non mises à jour au regard des nouvelles méthodes géochimiques et tout particulièrement isotopiques. L’origine de la mise en place de ces gisements stratiformes de la bordure sud du Bassin de Paris reste donc peu documentée. Par exemple, les datations radiochronologiques K/Ar effectuées au cours des années 70-80 ont uniquement été effectuées sur les gisements filoniens du Massif central, et aucune datation radiochronologique n’existe sur les fluorines des gisements filoniens et/ou stratiformes. Beaucoup de questions restent ainsi en suspens :

  • Quel est l’âge de ces minéralisations en CaF2? et en corollaire, combien de phases de minéralisation peut-on reconnaître dans le bassin de Paris ?
  • Quel est la source du fluor, barium, plomb, zinc… (évaporites du bassin ou socle cristallin)?
  • A quelle profondeur les minéralisations se forment-t-elles ?
  • Quelle est la chimie et l’origine des fluides ?
    • Est-ce un fluide météorique s’infiltrant en profondeur à partir du socle émergé morvandiau, avant de remonter et minéraliser à la base des niveaux perméables du Bassin de Paris ?
    • Est-ce un fluide marin s’infiltrant en profondeur dans le Bassin, avant de remonter et minéraliser sur les bordures du Morvan ?
    • Est-ce un mixte entre un fluide météorique et marin ?
  • Quelle est la relation entre les gisements filoniens du socle morvandiau et les gisements stratiformes économiques ?
  • Les gisements économiques se localisent-t-ils uniquement sur la bordure affleurante actuelle ?
  • La ré-examination d’un point de vue « ressources minérales » de forages carottés pétroliers dans les niveaux de base du bassin peut-elle permettre d’affiner l’évaluation des quantités de CaF2 du Bassin de Paris ?

La France se trouve ainsi très en retrait par rapport à d’autres pays où des réserves importantes de fluorine existent et où d’importantes études scientifiques de pointes ont été menées ces dernières années (Mexique, Etat-Unis, Chine, Allemagne…). Ces études fournissent des modèles métallogéniques considérant l’histoire des paléocirculations à l’échelle des bassins, permettant à ces pays d’améliorer les estimations des réserves en CaF2. Il paraît donc indispensable de profiter de l’existence des gisements français, des nombreuses données acquises comme les nombreux forages carottés il y a une quarantaine d’années afin de ré-examiner et étudier ces gisements avec des méthodes géochimiques modernes développées à l’Université Paris-Sud 11 – Orsay (datations (U-Th)/He) et au BRGM (méthode de datation Sm-Nd, caractérisation isotopique par les isotopes « classiques » du strontium, du plomb et du néodyme, Terres rares, caractérisation par les isotopes « novateurs » du calcium et du zinc).

Publications

Gigoux, M., Brigaud, B., Pagel, M., Delpech, G., Guerrot, C., Augé, T., Négrel, P., 2016. Genetic constraints on world-class carbonate- and siliciclastic-hosted stratabound fluorite deposits in Burgundy (France) inferred from mineral paragenetic sequence and fluid inclusion studies. Ore Geology Reviews. 72, 940-962 news INSU-CNRS

Gigoux, M., Delpech, G., Guerrot, C., Pagel, M., Augé, T., Négrel, P., Brigaud, B., 2015. Evidence for an Early Cretaceous mineralizing event above the basement/sediment unconformity in the intracratonic Paris Basin : paragenetic sequence and Sm-Nd dating of the world-class Pierre-Perthuis stratabound fluorite deposit. Mineralium Deposita. 50, 455-463 news U-PSUD

Abstract de congrès à comité de lecture

Gigoux, M., Négrel, P., Guerrot, C., Brigaud, B., Delpech, G., Pagel, M., Augé, T., 2015. δ44Ca of Stratabound Fluorite Deposits in Burgundy (France) : Tracing Fluid Origin and/or Fractionation Processes. Procedia Earth and Planetary Science. 13, 129-133

Gigoux, M., Brigaud, B., Delpech, G., Pagel, M., Guerrot, C., Auge, T., Negrel, P. 2013. Stratiform fluorite deposits in the south-eastern part of the Paris basin (Morvan) : paragenetic sequence, trace elements and Sr-Nd isotopes. Proceedings of the 12th Biennial SGA Meeting, 12–15 August 2013, Uppsala, Sweden, Vol 2, 620-623