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Étiquette : paléoclimat

L’étude multi-laboratoires, associant l’Université Paris-Sud, Cambridge Carbonate Ldt, l’Université de Rennes 1, l’Université de Lorraine et l’Andra, intitulée « Growth and demise of the Jurassic carbonate platform in the intracratonic Paris Basin (France): interplay of climate change, eustasy and tectonics » vient d’être publiée dans la revue Marine and Petroleum Geology.

Dans le contexte actuel de changements environnementaux liés aux activités anthropiques (relargage de CO2, déforestation, pollution…), il convient de mieux comprendre l’évolution et le fonctionnement de certains écosystèmes très riches comme les lagons et récifs coralliens des mers subtropicales. En effet, ces écosystèmes de lagons et plus largement ceux des plateformes carbonatées peu profondes peuvent être particulièrement sensibles aux effets directs de ces activités anthropiques comme le réchauffement climatique, la hausse du niveau marin, l’acidification des eaux de surface, l’augmentation du relargage de particules fines (boue). En France, notre territoire se trouvait sous une latitude sub-tropicale (30°N) durant le Jurassique (de 200Ma à 145Ma) et était recouvert d’une mer chaude et globalement peu profonde. Dans l’Est de la France, cette mer a laissé dernière elle plus d’1 km en épaisseur de sédiments qui se sont déposés sur une grande plateforme carbonatée, formant maintenant  des calcaires avec des coraux, bivalves ou oolithes, marnes, argiles ou sables. Il est donc possible, en étudiant ces roches, d’apporter des réponses sur les facteurs contrôlant l’évolution des écosystèmes carbonatés.

L’objectif de ce travail a donc été de se servir de ces archives carbonatées datant du Jurassique, affleurant en carrière ou carottées jusqu’à 1300 m de profondeur dans le forage profond de l’Andra de Montiers-sur-Saulx dans l’Est de la France. Durant les 55 millions d’années du Jurassique, cette immense plateforme carbonatée montre 8 phases successives de forte production carbonatée avec des coraux, bivalves, gastéropodes, oolites, entrecoupées de 7 crises où la sédimentation a été argileuse. Ces huit phases de forte croissance ont été comparées à la courbe standard de variation du niveau marin, aux régimes tectoniques et à des données isotopiques en oxygène (courbe de variation de la température de l’eau de mer) et aux cortèges minéralogiques argileux.

  • Des faciès de type hétérozoans (avec des bivalves, échinodermes, gastéropodes, foraminifères, bryozoaires) migrant le long d’une rampe marquent des périodes dominées par une hausse du niveau marin, des conditions mésotrophiques (eaux chargées en nutriments), humides et des eaux de surface moyennement chaudes (entre 16 et 24°C) pendant l’Hettangien, le Pliensbachien, l’Oxfordien supérieur, et le Tithonien. Durant ces périodes, des décharges temporaires d’argiles sont venues perturber la production carbonatée.
  • Durant le Bajocien et l’Oxfordien moyen, des températures des eaux de surface chaudes (20-29°C), des conditions oligotrophiques (quasiment pas de nutriments) et relativement humides ont été constatées. Associées à une hausse du niveau marin relatif (eustatisme ou de subsidence locale), ces conditions ont clairement favorisé le développement de coraux scleractiniaires formant des récifs avec de nombreux gastéropodes ou bivalves.
  • Des systèmes de cordons oolitiques se sont installés durant le Bathonien, délimitant un vaste lagon à sédimentation très fine (calcaire mudstone avec des foraminifères de type miliolidés). Cet environnement s’est développé sous des conditions climatiques plutôt fraîches (16 à 24°C) et sèches.
  • Une hausse du niveau marin relatif, accompagnée d’une eutrophisation des eaux (chargées en nutriments) et parfois d’eaux plutôt froides (<20°C) ont été néfastes au développement des écosystèmes carbonatés. Ces conditions sont responsables d’au moins cinq crises de la production carbonatée durant le Toarcien, le début du Bajocien supérieur, à la transition Callovien/Oxfordien, au début de l’Oxfordien supérieur et au Kimmeridgien.

résumé en diapos

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L’étude intitulée « Impact of climate on the evolution of carbonate systems during the Middle and Late Jurassic : (Paris Basin, France) » par Benjamin Brigaud et Benoît Vincent a été présentée à Vienne dans la session « Mesozoic stratigraphy, paleoceanography and paleoclimate (sponsored by IAS) » – Chairperson: Jochen Erbacher & Ian Jarvis

L’objectif de cette présentation orale a été de présenter les résultats acquis récemment dans l’Est du Bassin de Paris sur la stratigraphie séquentielle et l’évolution des systèmes carbonatés du Jurassique moyen et supérieur. Cinq plateformes carbonatées avec des géométries (rampes versus flat topped shelves) et producteurs différents  se succèdent pendant cette période. La discussion a été axée sur l’origine des crises de la production carbonatée, et des facteurs pouvant influencer les types de producteur carbonaté. Des liens assez clairs entre les crises et la diminution des températures des eaux de surface ont été établis. Par ailleurs, les fortes températures des eaux de surface (20-29°C) ont largement contribuer à l’établissement d’une plateforme récifale de type « rimmed-shelf » avec un lagon et des producteurs bactériens important pendant l’Oxfordien moyen.

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logo gfejL’étude intitulée « Évolution des environnements sédimentaires carbonatés au cours du Jurassique: part de l’influence climatique » par  Benjamin Brigaud et Benoît Vincent a été présentée lors de la réunion thématique « Paléoclimats et Paléoenvironnements jurassiques » le 12 novembre 2012 à Jussieu (Paris).

Résumé:

Le paléoclimat du Jurassique moyen et supérieur du domaine ouest européen présente une succession de variations de courte durée (de l’ordre du Million d’année). Les systèmes carbonatés sont potentiellement très sensibles aux variations climatiques, comme illustré dans le quaternaire (Deschamps et al., 2012). En revanche dans les carbonates anciens, l’amalgame entre les facteurs de contrôle eustatique, tectonique, de production carbonatée et d’apports sédimentaires sur l’architecture stratigraphique complique la lecture de l’impact des variations paléo-climatiques.

L’objectif de cette étude est de proposer un canevas faciologique et stratigraphique très fin (de l’ordre du millions d’année) afin de comparer l’évolution des faciès et séquences carbonatés avec les variations paléo-climatiques rapides récemment documentées dans le Jurassique ouest-européen (Dera et al., 2011).

L’étude des microfaciès du Jurassique moyen et supérieur montre 18 lithofaciès pouvant être regroupés en 7 associations de faciès se répartissant le long d’une rampe carbonatée. La fin du Bajocien inférieur est marquée par l’apparition de faciès carbonatés avec des coraux scléractiniaires formant des bioconstructions pouvant atteindre une dizaine de mètres de hauteur. Associée à une baisse eustatique de 3ème ordre, un réchauffement des eaux de surface à l’échelle ouest-européenne semble favoriser le développement de ces constructions. Les faciès de lagons protégés du Bathonien sont marqués par une production micritique incluant des foraminifères (miliolidae). Une montée eustatique de 2ème ordre ennoie la rampe carbonatée du Jurassique moyen. Elle est suivie d’une baisse marquée des températures des eaux océaniques de surface, suggérant un lien entre chute de la production carbonatée et baisse des températures à la transition Callovien/Oxfordien. La reprise de la production carbonatée et la localisation de la plate-forme oxfordienne en Lorraine est contrainte par 3 facteurs : (1) la géométrie du corps argileux du Callovo-oxfordien (2) un cortège régressif de 2ème ordre et (3) un fort réchauffement des températures des eaux de surface entre les zones à Cordatum et Transversarium. Les faciès de lagon protégés pendant cet optimum climatique sont marqués par un intense développement d’encroutements microbiens (Bacinella/Lithocodium, faciès thrombolithiques). Enfin, la fin du Jurassique est marquée par un changement drastique des faciès devenant dolomitique pendant une période potentiellement plus aride, accompagnée d’une régression de 1er ordre.

Les cortèges carbonatés enregistrent ainsi un mélange des facteurs de contrôle eustatiques, tectoniques et climatiques, et seule une contrainte forte des faciès et des géométries permettent d’isoler l’influence potentiel du climat.

Dera, G. et al., 2011. Climatic ups and downs in a disturbed Jurassic world. Geology, 39(3): 215-218.

Deschamps, P. et al., 2012. Ice-sheet collapse and sea-level rise at the Bolling warming 14,600 years ago. Nature, 483(7391): 559-564.

© 2025 benjamin brigaud

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