sédimentologue

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Les argiles se collent aux sables dans les estuaires grâce aux biofilms

Des agrégats composés de minéraux argileux détritiques, formant des tapissages argileux (ou clay coats), enveloppent les grains de sable dans les estuaires modernes. Ces tapissages sont une source potentielle pour le développement de chlorites authigènes lors de l’enfouissement du sédiment. Ce type d’enveloppe argileuse est observé dans de nombreux grès côtiers et estuariens anciens, au sein desquels ils permettent la préservation des propriétés réservoirs en limitant la formation de surcroissances de quartz. Plusieurs études récentes ont questionné le processus d’adhésion entre les sables et les particules de silts et d’argiles au sein des sédiments côtiers. En effet ces deux classes de particules sédimentaires sont normalement ségréguées par les courants de marée.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont proposé de tester le rôle des exopolymères des biofilms à diatomées dans l’adhésion des particules d’argile aux grains de quartz. Pour cela, l’équipe a reproduit les tapissages argileux en laboratoire en mélangeant à température ambiante des exopolymères de l’estuaire de la Gironde avec des standards de minéraux argileux et de sables de quartz. Des analyses en cryomicroscopie électronique à balayage et en microscopie à force atomique ont révélé que ces exopolymères forment un adhésif entre les sables et les argiles via la mise en place de ponts organiques. Des tests colorimétriques et des analyses infra-rouges ont montré que ces exopolymères contiennent principalement des polysaccharides et des protéines, dont certains présentent des fonctions réactives capable d’interagir avec les sables et les argiles. Les chercheurs ont également observé une similitude texturale entre des coats détritiques des grès anciens et les tapissages reproduits au laboratoire, ce qui indique que la présence de tapissages argileux détritiques pourrait être la biosignature d’un développement de biofilm relié à la sécrétion d’exopolymères dans les environnements passés.

En savoir plus

Experimental formation of clay-coated sand grains using diatom biofilm exopolymers – Geology, v. 48

Thibault Duteil, Raphaël Bourillot, Brian Grégoire, Maxime Virolle et al.

https://doi.org/10.1130/G47418.1

Source: https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/les-argiles-se-collent-aux-sables-dans-les-estuaires-grace-aux-biofilms

[Publication Sedimentary Geology] Fin de la grande plate-forme carbonatée jurassique dans le domaine ouest téthysien : déchiffrer le rôle relatif du climat et de la géodynamique

L’étude intitulée « Sedimentary architecture, depositional facies and diagenetic response to intracratonic deformation and climate change inferred from outcrops for a pivotal period (Jurassic/Cretaceous boundary, Paris Basin, France) » par Benjamin Brigaud, Benoît Vincent, Maurice Pagel, Antoine Gras, Aurélie Noret, Philippe Landrein et Emilia Huret vient d’être publiée dans la revue Sedimentary Geology , volume 373, pages 48-76.

En collaboration avec l’Andra, l’origine de la fin de la production carbonatée sur la plate-forme ouest Téthysienne vers la limite Jurassique/Crétacé a été examinée dans le Bassin de Paris. Vers cette limite Jurassique-Crétacé, au contraire d’autres limites de période, il a été impossible de trouver des marqueurs géo-biologiques globaux. Même des marqueurs communs au domaine ouest Téthysien n’ont pas été reconnus empêchant d’effectuer des corrélations inter-bassins très fiables de marqueur visible à grande échelle et empêchant de placer cette limite de manière certaine sur un grand nombre de coupes. Cette caractéristique de la limite Jurassique-Crétacé en fait une limite spéciale et compliquée à étudier. Les études de cette transition ont récemment connues un regain d’intérêt à travers les travaux du Berriasian Working Group travaillant sur la définition d’une coupe marquant la limite Jurassique-Crétacé (Gradstein, 2012). Ces travaux amènent d’intenses débats, sur la définition de cette limite. Malgré des affleurements de très bonne qualité, l’Est du Bassin de Paris n’a reçu que très peu d’attention comparé à d’autres dépôts de la même période dans le Jura, dans le Dorset et le dans Boulonnais. Afin de participer aux débats sur la définition de cette limite, une collaboration a été montée entre l’Université Paris-Sud (Benjamin Brigaud et Maurice Pagel), l’Andra (Philippe Landrein et Emilia Huret) et Cambridge Carbonate (Benoît Vincent) afin d’essayer de contribuer à apporter des précisions sur les changements paléo-environnementaux autour de cette limite. Un des objectifs affichés a été de déchiffrer l’influence respective des perturbations géodynamiques et climatiques par l’étude des affleurements situés à proximité de la commune de Bure (Meuse). D’un point de vue plus appliqué, les formations sédimentaires de la limite Jurassique-Crétacé forment les formations de surface situées à l’aplomb du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de l’Andra. Caractériser les architectures sédimentaires des formations de la limite Jurassique/Crétacé est donc de tout intérêt puisque ces formations sont censées être excavées et aménagées lors de la construction éventuelle des descenderies et des rampes d’accès au site de stockage souterrain des déchets radioactifs.

Dans cette partie du Bassin de Paris, bassin intracratonique réputé relativement stable, quatorze lithofaciès ont été observés se répartissant dans deux grands systèmes de dépôt (1) une plate-forme carbonatée et (2) un environnement deltaïque. La production carbonatée de la plate-forme se termine entre le Berriasien inférieur et supérieur. Elle est d’ailleurs marquée par un processus de dolomitisation. Les signaux isotopiques de la dolomite (δ18O compris entre +2 et+4 et δ13C entre 1 et 3) suggèrent une dolomitisation syn-sédimentaire du sommet de plate-forme en environnements salés et sub-évaporitiques. Les reconstructions de l’architecture et du faciès ont permis de bien contraindre la grande discordance Jurassique-Crétacé (Jurassic Cretaceous Unconformity – JCU), qui est reconnue comme étant un important épisode structural dans le bassin de Paris. Elle se marque dans l’Est du Bassin de Paris par une surrection estimée à environ 80 m et une déformation NW-SE de faible longueur d’onde aboutissant à la mise en place d’un synclinal de 15 km de large sur 30 km de long. Cet événement tectonique tend très probablement à maintenir une sédimentation côtière dans des lagunes et des marais d’eau saumâtre à salée d’environnements supratidaux. L’évolution vers des environnements de plus en plus restreints sur la plate-forme est très probablement à l’origine des dolomites qui marquent les faciès purbeckiens. Il s’avère qu’un changement climatique (condition plus aride) associé à une tectonique locale a permis de déposer des sédiments dolomitiques et évaporitiques dans un synclinal.

Le principal changement de dépôt a eu lieu entre le Berriasien inférieur et supérieur. Il a été marqué par la fin de la production carbonatée (carbonatée et dolomitique) et des dépôts clastiques fluviatiles-deltaïques (faciès Wealdiens). Ce changement sédimentaire majeur s’est produit juste après un événement d’érosion majeur au cours du Berriasien supérieur correspondant à la discordance Ryazanienne (Ryazanian Unconformity – RU). Cette discontinuité se marque dans l’Est du Bassin de Paris par des incisions sur la plateforme forme carbonatée et un changement de lithologie passant de carbonates (faciès Purbeckien) à une série clastique (sables Wealdiens). Cette discontinuité semble être un mélange entre un début de karstification de la plateforme sous climat plutôt humide et une incision par des chenaux en domaine de plaine deltaïque. La phase de rifting dans le golfe de Gascogne et dans la zone pyrénéenne a probablement eu une influence majeure sur le nord de la France en provoquant une surrection globale de près de 120 m cumulée pendant le Tithonien. La géodynamique a très probablement joué un rôle majeur dans la disparition des faciès carbonatés dans le Bassin de Paris, permettant l’émersion de grandes surfaces de la plateforme. Les conditions climatiques locales plus fraîches et surtout plus humides à partir de la seconde moitié du Berriasien favorisent un afflux de sédiments terrigènes depuis le Massif de Londres-Brabant vers des domaines marins qui sont définitivement défavorables à la sédimentation carbonatée.

[Publication Sedimentology] Les tapissages argileux dans les estuaires: exemple de l’estuaire de la Gironde

L’étude intitulée «Detrital clay grain coats in estuarine clastic deposits: origin and spatial distribution within a modern sedimentary system, the Gironde Estuary (south‐west France)» par Maxime Virolle, Benjamin Brigaud, Raphaël Bourillot, Hugues Féniès, Eric Portier, Thibault Duteil, Julius Nouet, Patricia Patrier et Daniel Beaufort vient d’être acceptée pour publication dans la revue Sedimentology.

Porosity and permeability may be preserved in deep sandstone reservoirs by clay coating (mainly chlorite), which limits quartz overgrowths. Chloritization around quartz grains results mainly from mineralogical transformations of pre‐existing clays. It is fundamental to study those clay precursors to better understand and predict the location and distribution of clay coatings in subsurface sandstones for petroleum or geothermal prospecting. This paper reports a high‐resolution analysis of the composition, distribution and fabric of clays along a modern estuary, the Gironde (south‐west France). The scale of the study ranges from thin sections, through sand bar bodies, up to the entire estuary. Results show that clays are detrital and deposited at the same time as sand grains despite strong hydrodynamic conditions. Clays bind to medium‐grained sands forming detrital clay grain coats. On average, 26% of detrital sand grains are coated along the entire length of the estuary. Coat thickness varies from 1 μm to more than 200 μm, and coat coverage exceeds 30% in some samples. The turbidity maximum zone position (surface water turbidity from 1 to 10 g.l−1) in the estuary, which is controlled by seasonal variations in hydrodynamic processes, significantly impacts the location of the maximum clay content and the abundance of coated grains in sandy facies along the estuary. Flocculation in the water column results in the accumulation of suspended matter and contributes to the high turbidity in the estuary. Exopolymeric substances produced by diatoms are observed both in the field and by cryo‐scanning electron microscopy, suggesting that they may play a major role in binding detrital clay around sand grains. Finally, tidal bars and heterolithic point bars in the estuary funnel and estuarine channels are prime sedimentological targets for finding clay coatings and potentially good reservoir quality in deeply buried sandstones.

 

Nouvelle publication en diagenèse couplant températures Δ47, δ18O de l’eau et datations U-Pb

L’étude intitulée «Improving paleohydrological and diagenetic reconstructions in calcite veins and breccia of a sedimentary basin by combining Δ47 temperature, δ18Owater and U-Pb age» par Maurice Pagel, Magali Bonifacie, David A. Schneider, Cécile Gautheron, Benjamin Brigaud, Damien Calmels, Alexandre Cros, Bertrand Saint-Bezar, Philippe Landrein, Chelsea Sutcliffe, Donald Davis, Carine Chaduteau est acceptée pour être publiée dans la revue Chemical Geology.

Nouvelle publication: « Carbonate diagenesis: investigation of δ18O and δ13C by SIMS »

L’étude intitulée « The complex diagenetic history of discontinuities in shallow-marine carbonate rocks : New insights from high-resolution ion microprobe investigation of δ18O and δ13C of early cements » par Simon Andrieu, Benjamin Brigaud, Jocelyn Barbarand et Eric Lasseur est acceptée pour être publiée dans la revue Sedimentology.

Article en ligne:

http://dx.doi.org/10.1111/sed.12384

Publication: Dynamique sédimentaire et diagenèse d’une bordure de plateforme carbonatée

Pour améliorer notre connaissance de la distribution des propriétés réservoirs (porosité et perméabilité) dans les bordures des plateformes carbonatées, la connexion entre les faciès, la stratigraphie séquentielle et les processus diagénétiques précoces (diagenèse ou lithification du sédiment très rapide après le dépôt) des discontinuités a été étudiée sur la bordure de plateforme oolithique bathonienne du nord-est du Bassin Aquitain (région d’Angoulême).

Huit faciès ont été déterminés le long d’une coupe reliant des affleurements sur une distance d’environ 60 kilomètres. Ils se distribuent dans (1) le pied de pente, (2) la bordure de plateforme progradante, (3) le cordon oolthique, (4) la plateforme intérieure ouverte, (5) le foreshore et (6) le continent. La transition entre les faciès de plateforme interne et de pied de pente est marquée par des clinoformes longs de plus de cents mètres. La production carbonatée est confinée dans la plateforme interne peu profonde et exportée vers le large, entrainant la progradation des clinoformes dont l’angle était compris 20° et 25°. La profondeur de la zone de transition entre les faciès de grainstones oolithiques et les alternances marno-calcaires, à la base de la pente a pu être estimée entre 40 m et 75 m.

Architecture stratigraphique de la bordure de la plateforme carbonatée du Bassin aquitain, associée aux faciès sédimentaires

La dynamique sédimentaire varie de façon similaire au sein des quatre séquences identifiées au cours du Bathonien. Pendant le dépôt des cortèges transgressifs, la sédimentation est essentiellement localisée sur la plateforme interne et l’export de carbonate est négligeable. Pendant le dépôt des cortèges de haut niveau marin, l’export de carbonate augmente, générant la progradation de la bordure de plateforme. Les maximas de régression se marquent par des hiatus sédimentaires sur la plateforme interne, où une même discontinuité passe latéralement d’une surface subaérienne à un hardground marin. L’érosion des hargrounds sous des conditions de fort hydrodynamisme entraine l’export puis le dépôt d’intraclastes précocement cimentés le long de la pente de la bordure de plateforme, formant le cortège de bas-niveau marin.

En ce qui concerne la diagenèse, les ciments précoces sont uniquement localisés un mètre sous les discontinuités sédimentaires dans les dépôts de plateforme interne. Leur absence dans les calcaires de la bordure de plateforme est due à un taux de sédimentation continu, conséquent (1) de l’export des sédiments carbonatés vers le large et (2) de conditions hydrodynamiques plus faibles. Ces conditions particulières font des bordures de plateformes carbonatées un des seuls environnements où des faciès grainstones ne sont pas associés avec le développement de ciments précoces. Dans le cas de la plateforme étudiée, les faciès de sa bordure sont très poreux, peu colmatés par la calcite de blocage lors de l’enfouissement, et forme un excellent réservoir (roche poreuse et perméable).

Référence :

Andrieu S., Brigaud B., Barbarand J., Lasseur E., 2017. Linking early diagenesis and sedimentary facies to sequence stratigraphy on a prograding oolitic wedge : the Bathonian of western France (Aquitaine Basin). Marine and Petroleum Geology. 81, 169-195

Publication: Détection de l’impact environnemental des mines de Nickel en Nouvelle-Calédonie par l’analyse des lichens

L’article intitulée « Impact of nickel mining in New Caledonia assessed by compositional data analysis of lichens » par Camille Pasquet, Pauline Le Monier, Fabrice Monna, Christophe Durlet, Benjamin Brigaud, Rémi Losno, Carmela Chateau, Christine Laporte-Magoni et Peggy Gunkel-Grillon vient de paraître dans la revue SpringerPlus.

Cette étude explore la possibilité d’utiliser les lichens comme bio-indicateur de la pollution atmosphérique engendrée par l’activité minière et le traitement minier du Nickel rejetant des poussières riches en nickel, cobalt, chrome ou fer, en prenant comme exemple une grande région productrice: la Nouvelle-Calédonie. Les concentrations importantes de nickel, cobalt ou chrome dans les tissus organiques des lichens collectés proches des mines ou du site de traitement minier à Nouméa montrent qu’ils enregistrent très bien la pollution atmosphérique engendrée par l’activité minière. Les lichens sont de très bons supports permettant de localiser rapidement les zones impactées par l’activité minière.

Toutes les infos sur le site de Fabrice Monna.

Revoir les photos de la mission de terrain en 2012: http://hebergement.u-psud.fr/brigaud/bonjour-tout-le-monde/

photographie du lichens avant prélèvement

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo: Prélèvement des lichens

Résumé de l’étude en anglais:

The aim of this study is to explore the use of lichens as biomonitors of the impact of nickel mining and ore treatment on the atmosphere in the New Caledonian archipelago (South Pacific Ocean); both activities emitting also Co, Cr and possibly Fe. Metal contents were analysed in thirty-four epiphytic lichens, collected in the vicinity of the potential sources, and in places free from known historical mining. The highest Ni, Co, and Cr concentrations were, as expected, observed in lichens collected near ore deposits or treatment areas. The elemental composition in the lichens was explored by multivariate analysis, after appropriately transforming the variables (i.e. using compositional data analysis). The sample score of the first principal component (PC1) makes the largest (positive) multiplicative contribution to the log-ratios of metals originating from mining activities (Ni, Cr, Co) divided by Ti. The PC1 scores are used here as a surrogate of pollution levels related to mining and metallurgical activity. They can be viewed as synthetic indicators mapped to provide valuable information for the management and protection of ecosystems or, as a first step, to select locations where air filtration units could be installed, in the future, for air quality monitoring. However, as this approach drastically simplifies the problem, supplying a broadly efficient picture but little detail, recognizing the different sources of contamination may be difficult, more particularly when their chemical differences are subtle. It conveys only relative information: about ratios, not levels, and is therefore recommended as a preliminary step, in combination with close examination of raw concentration levels of lichens. Further validation using conventional air-monitoring by filter units should also prove beneficial.

 

Le développement des plateformes carbonatées jurassiques contrôlé par un cycle orbital

Comme l’annonce la revue Sedimentary Geology dans le volume 345 à paraître en novembre 2016, les phases de croissance et de déliquescence des plateformes carbonatées dans l’océan téthysien au cours du Jurassique étaient contrôlées par des changements climatiques à long terme, eux-mêmes déterminés par un cycle orbital de 9 millions d’années.

Les plateformes carbonatées sont des écosystèmes marins à la biodiversité très riche et sensible qui se retrouvent aujourd’hui à des latitudes tropicales tout autour du globe. Pour mieux comprendre comment ces environnements sont impactés par les changements climatiques et environnementaux à long terme, les roches qui constituaient une ancienne plateforme carbonatée dans l’ouest de la France au cours du Jurassique, il y a environ 160 millions d’années, ont été étudiées. La France constituait alors la partie ouest d’un grand océan appelé océan téthysien.

L’équipe dirigée par Simon Andrieu et composée de chercheurs de l’Université Paris-Sud, de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté et du Brgm, a ainsi reconstitué l’évolution de cette plateforme carbonatée au cours des 18 millions d’années de son histoire. Les sédiments carbonatés sont très dépendants de l’existence d’organismes précipitants leur coquille ou squelette en carbonate de calcium (CaCO3), comme les huîtres, les coraux, les algues vertes ou les échinodermes (crinoïdes, oursins). Après leur mort, l’action des vagues sur le fond de la mer fractionne ces squelettes ou coquilles en débris souvent inférieurs à 2 mm. L’accumulation des différents types de débris squelettiques, avec d’autres éléments non-coquillers comme les oolites (petites concrétions de CaCO3 précipitants dans des eaux chaudes) forme un dépôt sédimentaire ; la composition de ce dépôt va permettre au sédimentologue de caractériser un « faciès sédimentaire ». Au jurassique, deux grands types de faciès sédimentaires se sont déposés dans les eaux peu profondes de l’océan téthysien : (1) un faciès photozoan, riches en coraux et oolites, typiques d’eaux oligotrophiques, c’est-à-dire pauvres en nutriments (plancton) ; et (2) un faciès hétérozoans, riches en échinodermes, bryozoaires et bivalves, typiques d’eaux mésotrophiques à eutrophiques (riches en nutriments).

En comparant l’évolution de la production carbonatée dans l’ouest de la France avec une compilation des données de faciès composants d’autres plateformes de la partie ouest de l’océan téthysien, il a été mis en évidence deux phases de croissance généralisées des plateformes carbonatées alternant avec deux phases de déliquescence. Les phases de forte croissance sont constituées essentiellement par des faciès photozoans, les coraux et les oolites favorisant une accumulation rapide de sédiments carbonatés.

La production carbonatée a ensuite été comparée avec la fluctuation cyclique (cycle de 9 Ma) de la composition en carbone de l’eau de l’océan téthysien. Les deux phases de forte croissance des plateformes carbonatées correspondent à des périodes caractérisées par un faible δ13C de l’océan, marquant un climat très sec perturbé par de courtes moussons, défavorables à la présence de nutriments dans l’océan. Les eaux pauvres en nutriments sont très favorables à la prolifération des coraux ou à la genèse des oolites, édifiant ainsi rapidement d’imposantes plateformes.

Au contraire, les phases de faible production carbonatée, alors principalement limitée à la sédimentation de faciès heterozoans, correspondent à des périodes de fort δ13C dans l’océan, caractérisant un climat humide qui favorise le transfert de nutriments des continents vers l’océan. Les périodes où l’océan est riche en nutriments ont été très défavorables à la sédimentation carbonatée, car les producteurs importants de CaCO3 comme les coraux, les algues vertes ou les oolites se sont montrés plus rares dans la partie ouest de l’océan téthysien.

Le développement des plateformes carbonatées a donc été directement relié aux changements climatiques à long-terme, dont l’évolution a été grandement déterminée par un cycle orbital à 9 millions d’années.

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Figure : Reconstruction de la plateforme carbonatée de l’ouest de la Téthys au cours de deux périodes (1) Aalénien (172 Ma) et (2) Limite Callovien/Oxfordien (163 Ma)

Andrieu, S., Brigaud, B., Barbarand J., Lasseur, E., Saucède T., 2016. Disentangling the control of tectonics, eustasy, trophic conditions and climate on shallow-marine carbonate production during the Aalenian-Oxfordian interval : from the western France platform to the western Tethyan domain. Sedimentary Geology. 345, 54-84

Voir en ligne : Lien vers l’article Science direct

Info INSU: Pourquoi trouve-t-on des roches très poreuses à plus de 3,5 km de profondeur ?

Pourquoi des réservoirs d’hydrocarbures sont-ils présents à de grandes profondeurs alors que les lois d’enfouissement prédisent une réduction drastique de la porosité ? C’est la question à laquelle des chercheurs de Géosciences Paris Sud (GEOPS, CNRS / Université PARIS-SUD) et de la société ENGIE ont répondu, au moins en partie, en réalisant une étude pétrographique et minéralogique de roches prélevées au large de la côte nord-ouest de l’Australie lors de compagnes de forages profonds. Ils ont également ainsi montré que les formations sableuses déposées dans des estuaires, et maintenant très enfouies, sont des cibles de choix pour la prospection pétrolière.
@INSU-CNRS

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site de l’INSU

Notre consommation importante d’hydrocarbures pousse l’exploration pétrolière à les rechercher dans des roches très poreuses situées de plus en plus loin dans les profondeurs du sous-sol, alors même que la probabilité d’y parvenir semble très faible dans la mesure où les lois d’enfouissement prédisent une diminution drastique de la porosité avec la profondeur (jusqu’à une porosité inférieure à 5 %). Pourtant, des découvertes récentes montrent que des réserves d’hydrocarbures sont exceptionnellement présentes à plus de 3,5 km de profondeur, dans des roches réservoirs très poreuses (> 20 %) et perméables (> 100 mD).

Afin d’améliorer notre capacité à prédire la localisation d’une zone poreuse et ainsi d’augmenter le taux de succès des forages en orientant l’exploration vers les zones à forts potentiels, il convient d’améliorer la compréhension des processus à l’origine des bonnes qualités (fortes porosité et perméabilité) de certains réservoirs très profonds.

Pour aller dans ce sens, des chercheurs du GEOPS et de ENGIE ont réalisé une étude pétrographique et minéralogique (visuellement et à l’aide d’un microscope et d’un diffractomètre de rayons X) de roches gréseuses récoltées à plus de 3,5 km de profondeur au cours de plusieurs campagnes d’exploration dont la dernière a été réalisée en 2010 par ENGIE. Ces forages ont été effectués au large de la côte nord-ouest de l’Australie, à environ 250 km à l’ouest de la ville de Darwin, dans une zone du plateau continental où la hauteur d’eau n’excède pas 100 m.

Les chercheurs ont obtenu les résultats suivants.

Déposée au Permien (il y a environ 270 Ma), la formation sédimentaire étudiée est localement très poreuse (> 20 %). Les grès qu’elle contient sont composés de grains de quartz et de feldspaths de la taille des grains de sable (63 microns à 2 mm). La présence de figures sédimentaires assimilables à des dunes sableuses, de rides façonnées par les courants de marée ou encore d’échinodermes et de traces laissées par des vers et des crustacés indique que ce sédiment a été déposé dans un immense estuaire. Des barres sableuses d’environ 2 à 5 mètres d’épaisseur, de plusieurs dizaines de mètres de largeur et de plusieurs centaines de mètres de longueur sont présentes, probablement similaires à celles observées actuellement dans l’estuaire de la Gironde.

À l’échelle microscopique, de petits amas de minéraux argileux (taille de quelques microns) ont été identifiés autour des grains de quartz situés au sommet de ces grandes barres sableuses. Ces minéraux argileux se sont positionnés ainsi au moment du dépôt des sables puis ont été transformés en chlorite ferreuse au cours de la diagenèse d’enfouissement, probablement sous un enfouissement de 100 à 500 m. Cette chlorite ferreuse a alors formé un tapissage très fin (environ 10 ?m), recouvrant la totalité de la surface des grains de quartz. Aucune surcroissance de quartz obturant la porosité n’étant observée en présence de ces tapissages d’argile, il semble que ceux-ci inhibent le développement de telles surcroissances lors de la diagenèse. Au contraire, de larges surcroissances de quartz comblent totalement la porosité quand les tapissages sont absents. Ces surcroissances se sont développées lors de la diagenèse d’enfouissement, bien après le dépôt, lorsque l’enfouissement était supérieur à 1,5 km.

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A – Reconstruction de l’estuaire permien (il y a 270 Ma), localisé alors à 200 km au large de l’Australie. B – Observation au microscope électronique à balayage des agrégats de précurseurs argileux et des tapissages de chlorite ferreuse.

Source :

Saïag, J., Brigaud, B., Portier, E., Desaubliaux, G., Bucherie, A., Miska, S., Pagel, M., 2016. Sedimentological control on the diagenesis and reservoir quality of tidal sandstones of the Upper Cape Hay Formation (Permian, Bonaparte Basin, Australia). Marine and Petroleum Geology. 77, 597-624

Voir en ligne : site web INSU

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