sédimentologue

Étiquette : diagenèse (Page 1 of 2)

Les accumulations sédimentaires sont marquées par de nombreux arrêts de sédimentation ou hiatus formant des discontinuités. Sur les plates-formes carbonatées marines, les discontinuités de type hardground (ou fond durci) sont marquées par des surfaces lithifiées lors d’un processus diagénétique de cimentation synsédimentaire, ce fond étant alors perforé par des organismes lithophages comme certains bivalves. Les discontinuités forment d’importantes surfaces stratigraphiques qui peuvent être utilisées à l’échelle du bassin pour corréler les limites des séquences stratigraphiques et reconstruire les géométries sédimentaires. Bien que ces surfaces soient couramment utilisées en stratigraphie séquentielle, le moment et la durée de leur lithification et de la cristallisation des premiers ciments restent peu explorés. Dans cette étude, les premiers ciments calcitiques obturant l’espace inter-granulaire des calcaires du Jurassique des bassins de Paris et Aquitain ont été datés, directement sur les lames minces d’échantillons, par la géochronologie U-Pb. La cohérence ou la légère déviation entre l’âge des ciments et l’âge stratigraphique des discontinuités illustre le fait que la cimentation s’est produite au début de l’histoire diagénétique. La méthode géochronologique in situ permet de dater de très petits ciments, ici d’une taille inférieure à 200 micromètres. Les âges obtenus sur les ciments en dents de chien, (âge à 163.5±6.0 Ma, soit ± 3.7% à 2σ) et les ciments microstalactitiques (âge à 164.0±9 Ma, ± 5.5% à 2σ) sont très cohérents avec les âges supposés de la sédimentation. D’autres âges obtenus montrent que la 1ère cimentation du sédiment peut se réaliser jusqu’à 20 Ma après le dépôt. Outre la datation de la diagenèse, la bonne cohérence entre l’âge des dépôts et les âges obtenus sur certains ciments suggère que la géochronologie in situ U-Pb sur calcite serait une méthode prometteuse pour dater les limites des séquences stratigraphiques et affiner, dans le futur, l’échelle des temps géologiques du Jurassique.

Photo prise au microscope après coloration à l’alizarine et ferricyanure de potassium d’une discontinuité de type hardground montrant une coquille de gastéropode tronquée (carrière des Aucrais, Urville, Calvados). © Simon Andrieu
A. Vue au microscope à cathodoluminesceence, la cimentation calcitique remplissant un vide dans un hardground du Jurassique (carrière de Ségrie, Pays de la Loire). B. Graphique isochrone U-Pb pour calculer l’âge du ciment, ici 20Ma plus vieux que le dépôt

Site web INSU-CNRS

https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/datation-de-la-diagenese-des-carbonates


News INSU/CNRS

Vous trouverez notre dernière étude en diagenèse mettant en évidence des anomalies thermiques passées assez marquées dans le Bassin de Paris par géochronologie U-Pb couplée aux clumped isotopes Delta47 sur calcites Université Paris-Saclay Université de Paris

Brève INSU/CNRS

29 mai 2020 Résultat scientifique Terre Solide

Les géothermomètres sont couramment utilisés pour reconstituer l’histoire diagénétique et thermique des roches sédimentaires. Cependant, la temporalité et l’évolution thermique des événements de circulation de paléofluides restent difficile à évaluer. Dans cette étude, les chercheurs ont mesuré, sur des cristaux de calcite diagénétiques, la température de cristallisation par la méthode « clumped isotopes » des carbonates (ou ∆47) et l’âge de cristallisation par géochronologie U-Pb dans une partie du bassin de Paris dont l’histoire thermique est très bien connue et relativement simple.

Grâce à ces mesures, ils ont fait deux découvertes concernant la cimentation. D’une part qu’elle avait eu lieu en deux étapes associées à des événements majeurs à l’échelle lithosphérique en Europe occidentale : (1) l’ouverture du golfe de Gascogne (vers la transition Jurassique / Crétacé) et (2) la compression pyrénéenne (Eocène) suivie d’une période d’extension assez active à l’Oligocène (ouverture des fossés rhénan et de Limagnes…). D’autre part que s’étaient produites, lors de ces deux événements, des circulations de fluides étonnamment chauds, jusqu’à 110 °C, contrastant avec les températures beaucoup plus basses déduites d’autres géothermomètres. Les chercheurs ont aussi pu mettre en évidence, durant l’Eocène / Oligocène, un gradient thermique horizontal depuis le fossé de Gondrecourt où le fluide minéralisateur se refroidit d’environ 6°C/km en s’éloignant de l’accident tectonique qu’est le fossé. Autre résultat surprenant : les calcites présentant des caractéristiques pétrographiques et d18O identiques peuvent cristalliser dans des fluides différents en termes de nature d18O et de température.

Ces découvertes prouvent que des anomalies de température marquées peuvent ponctuer l’histoire des bassins sédimentaires intracratoniques pendant des périodes de rifting ou d’accrétion océanique, jouant un rôle clé dans l’évolution des propriétés des roches sédimentaires.

Localisation du puits étudié à l’Est du Bassin de Paris @AGBP

Article de l’INSU/CNRS: http://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/detection-danomalies-thermiques-passees-dans-le-bassin-de-paris

Soutenance de Thèse de Maxime Virolle, 28 juin 2019

Maxime Virolle soutiendra sa thèse de doctorat intitulée « Origine et prédiction spatio-temporelle des tapissages argileux dans les réservoirs silicoclastiques – Apports de la comparaison entre des réservoirs enfouis (Permien et Crétacé) et un analogue actuel (estuaire de la Gironde) » le vendredi 28 juin, au bâtiment 510, 14h.

[Publication Sedimentary Geology] Fin de la grande plate-forme carbonatée jurassique dans le domaine ouest téthysien : déchiffrer le rôle relatif du climat et de la géodynamique

L’étude intitulée « Sedimentary architecture, depositional facies and diagenetic response to intracratonic deformation and climate change inferred from outcrops for a pivotal period (Jurassic/Cretaceous boundary, Paris Basin, France) » par Benjamin Brigaud, Benoît Vincent, Maurice Pagel, Antoine Gras, Aurélie Noret, Philippe Landrein et Emilia Huret vient d’être publiée dans la revue Sedimentary Geology , volume 373, pages 48-76.

En collaboration avec l’Andra, l’origine de la fin de la production carbonatée sur la plate-forme ouest Téthysienne vers la limite Jurassique/Crétacé a été examinée dans le Bassin de Paris. Vers cette limite Jurassique-Crétacé, au contraire d’autres limites de période, il a été impossible de trouver des marqueurs géo-biologiques globaux. Même des marqueurs communs au domaine ouest Téthysien n’ont pas été reconnus empêchant d’effectuer des corrélations inter-bassins très fiables de marqueur visible à grande échelle et empêchant de placer cette limite de manière certaine sur un grand nombre de coupes. Cette caractéristique de la limite Jurassique-Crétacé en fait une limite spéciale et compliquée à étudier. Les études de cette transition ont récemment connues un regain d’intérêt à travers les travaux du Berriasian Working Group travaillant sur la définition d’une coupe marquant la limite Jurassique-Crétacé (Gradstein, 2012). Ces travaux amènent d’intenses débats, sur la définition de cette limite. Malgré des affleurements de très bonne qualité, l’Est du Bassin de Paris n’a reçu que très peu d’attention comparé à d’autres dépôts de la même période dans le Jura, dans le Dorset et le dans Boulonnais. Afin de participer aux débats sur la définition de cette limite, une collaboration a été montée entre l’Université Paris-Sud (Benjamin Brigaud et Maurice Pagel), l’Andra (Philippe Landrein et Emilia Huret) et Cambridge Carbonate (Benoît Vincent) afin d’essayer de contribuer à apporter des précisions sur les changements paléo-environnementaux autour de cette limite. Un des objectifs affichés a été de déchiffrer l’influence respective des perturbations géodynamiques et climatiques par l’étude des affleurements situés à proximité de la commune de Bure (Meuse). D’un point de vue plus appliqué, les formations sédimentaires de la limite Jurassique-Crétacé forment les formations de surface situées à l’aplomb du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de l’Andra. Caractériser les architectures sédimentaires des formations de la limite Jurassique/Crétacé est donc de tout intérêt puisque ces formations sont censées être excavées et aménagées lors de la construction éventuelle des descenderies et des rampes d’accès au site de stockage souterrain des déchets radioactifs.

Dans cette partie du Bassin de Paris, bassin intracratonique réputé relativement stable, quatorze lithofaciès ont été observés se répartissant dans deux grands systèmes de dépôt (1) une plate-forme carbonatée et (2) un environnement deltaïque. La production carbonatée de la plate-forme se termine entre le Berriasien inférieur et supérieur. Elle est d’ailleurs marquée par un processus de dolomitisation. Les signaux isotopiques de la dolomite (δ18O compris entre +2 et+4 et δ13C entre 1 et 3) suggèrent une dolomitisation syn-sédimentaire du sommet de plate-forme en environnements salés et sub-évaporitiques. Les reconstructions de l’architecture et du faciès ont permis de bien contraindre la grande discordance Jurassique-Crétacé (Jurassic Cretaceous Unconformity – JCU), qui est reconnue comme étant un important épisode structural dans le bassin de Paris. Elle se marque dans l’Est du Bassin de Paris par une surrection estimée à environ 80 m et une déformation NW-SE de faible longueur d’onde aboutissant à la mise en place d’un synclinal de 15 km de large sur 30 km de long. Cet événement tectonique tend très probablement à maintenir une sédimentation côtière dans des lagunes et des marais d’eau saumâtre à salée d’environnements supratidaux. L’évolution vers des environnements de plus en plus restreints sur la plate-forme est très probablement à l’origine des dolomites qui marquent les faciès purbeckiens. Il s’avère qu’un changement climatique (condition plus aride) associé à une tectonique locale a permis de déposer des sédiments dolomitiques et évaporitiques dans un synclinal.

Le principal changement de dépôt a eu lieu entre le Berriasien inférieur et supérieur. Il a été marqué par la fin de la production carbonatée (carbonatée et dolomitique) et des dépôts clastiques fluviatiles-deltaïques (faciès Wealdiens). Ce changement sédimentaire majeur s’est produit juste après un événement d’érosion majeur au cours du Berriasien supérieur correspondant à la discordance Ryazanienne (Ryazanian Unconformity – RU). Cette discontinuité se marque dans l’Est du Bassin de Paris par des incisions sur la plateforme forme carbonatée et un changement de lithologie passant de carbonates (faciès Purbeckien) à une série clastique (sables Wealdiens). Cette discontinuité semble être un mélange entre un début de karstification de la plateforme sous climat plutôt humide et une incision par des chenaux en domaine de plaine deltaïque. La phase de rifting dans le golfe de Gascogne et dans la zone pyrénéenne a probablement eu une influence majeure sur le nord de la France en provoquant une surrection globale de près de 120 m cumulée pendant le Tithonien. La géodynamique a très probablement joué un rôle majeur dans la disparition des faciès carbonatés dans le Bassin de Paris, permettant l’émersion de grandes surfaces de la plateforme. Les conditions climatiques locales plus fraîches et surtout plus humides à partir de la seconde moitié du Berriasien favorisent un afflux de sédiments terrigènes depuis le Massif de Londres-Brabant vers des domaines marins qui sont définitivement défavorables à la sédimentation carbonatée.

Nouvelle publication en diagenèse couplant températures Δ47, δ18O de l’eau et datations U-Pb

L’étude intitulée «Improving paleohydrological and diagenetic reconstructions in calcite veins and breccia of a sedimentary basin by combining Δ47 temperature, δ18Owater and U-Pb age» par Maurice Pagel, Magali Bonifacie, David A. Schneider, Cécile Gautheron, Benjamin Brigaud, Damien Calmels, Alexandre Cros, Bertrand Saint-Bezar, Philippe Landrein, Chelsea Sutcliffe, Donald Davis, Carine Chaduteau est acceptée pour être publiée dans la revue Chemical Geology.

Parution du PDF de la Thèse de doctorat de Simon Andrieu

Le PDF de la thèse de Simon Andrien, intitulée « Lien entre diagenèse des discontinuités, faciès sédimentaire et stratigraphie séquentielle : exemple de la plateforme carbonatée de l’Ouest de la France (Aalénien-Oxfordien)« , est maintenant disponible. Cette thèse est le fruit de la collaboration n°P04990 entre le Brgm et l’Université Paris-Sud intitulée « Microfaciès, stratigraphie séquentielle et diagenèse des carbonates du Jurassique de l’Ouest du Bassin de Paris : Influence sur la distribution des propriétés pétrophysiques » qui a permis le bon déroulement du projet avec le financement d’une partie des analyses et du terrain effectué dans les sédiments d’âge jurassique de la partie Ouest de la France (de la Normandie aux Charentes). Cette thèse présente la particularité de consacrer une large partie aux descriptions et analyses de terrain sur une centaine d’affleurements (1ère année) tout en couplant les analyses fines d’échantillons aux (2) microscopes (2ème année) et (3) aux microsondes électronique (Electron probe micro analyser) et ionique (Ion Microprobe Spectrometer IMS). Les objectifs (1) de définir les facteurs contrôlant le développement à grande échelle des plateformes carbonatées intracratoniques et (2) de relier la diagenèse précoce des discontinuités avec les paléoenvironnements et les modèles de stratigraphie séquentielle ont été pleinement atteints. La topographie du socle contrôle la répartition latérale des bathymétries de l’Aalénien jusqu’au Bathonien moyen. La tectonique régionale favorise ou empêche localement la production carbonatée. Les phases de disparition et de croissance de la plateforme observées à l’Ouest de la France sont en fait généralisées à l’échelle des bassins ouest-téthysiens et concomitants d’un cycle climatique d’une période de 9 millions d’années, ce qui suggère l’importance du changement climatique sur la production carbonatée. La production carbonatée est faible pendant les périodes humides et importante au cours des périodes sèches perturbées par de courtes moussons. Des analyses isotopiques (δ18O et δ13C) à haute résolution ont été réalisées sur des ciments précoces variés localisés sous des discontinuités, permettant de reconstituer l’histoire paléoenvironnementale aboutissant à leur formation. Les ciments en dents de chien ainsi que les ménisques et enveloppes micritiques analysées ont précipité directement en calcite faiblement magnésienne dans l’eau de mer. Un nouveau modèle reliant architecture, stratigraphie séquentielle, faciès et diagenèse précoce est proposé pour une bordure de plateforme oolithique. Sur la plateforme interne, les discontinuités passent latéralement de surfaces subaériennes à des hardgrounds marins, dont l’érosion aboutit au dépôt de niveaux à intraclastes sur la bordure de plateforme. La cimentation précoce est uniquement localisée sous les discontinuités et est absente dans la bordure de plateforme où la sédimentation est continue.

Après un post-doc au 1er semestre 2017 à GEOPS, Simon est maintenant ingénieur géologue au BRGM.

PUBLICATIONS

Andrieu S., Brigaud B., Barbarand J., Lasseur E., 2017. The complex diagenetic history of discontinuities in shallow-marine carbonate rocks : New insights from high-resolution ion microprobe investigation of δ18O and δ13C of early cements. Sedimentology.

Andrieu S., Brigaud B., Barbarand J., Lasseur E., 2017. Linking early diagenesis and sedimentary facies to sequence stratigraphy on a prograding oolitic wedge : the Bathonian of western France (Aquitaine Basin). Marine and Petroleum Geology. 81, 169-195 news GEOPS

Andrieu, S., Brigaud, B., Barbarand J., Lasseur, E., Saucède T., 2016. Disentangling the control of tectonics, eustasy, trophic conditions and climate on shallow-marine carbonate production during the Aalenian-Oxfordian interval : from the western France platform to the western Tethyan domain. Sedimentary Geology. 345, 54-84 news GEOPS

MANUSCRIT DE THESE

Andrieu, S., 2016. Lien entre diagenèse des discontinuités, faciès sédimentaire et stratigraphie séquentielle : exemple de la plateforme carbonatée de l’Ouest de la France (Aalénien-Oxfordien). Thèse de doctorat, Université Paris Saclay, 445 pages

Info INSU: Pourquoi trouve-t-on des roches très poreuses à plus de 3,5 km de profondeur ?

Pourquoi des réservoirs d’hydrocarbures sont-ils présents à de grandes profondeurs alors que les lois d’enfouissement prédisent une réduction drastique de la porosité ? C’est la question à laquelle des chercheurs de Géosciences Paris Sud (GEOPS, CNRS / Université PARIS-SUD) et de la société ENGIE ont répondu, au moins en partie, en réalisant une étude pétrographique et minéralogique de roches prélevées au large de la côte nord-ouest de l’Australie lors de compagnes de forages profonds. Ils ont également ainsi montré que les formations sableuses déposées dans des estuaires, et maintenant très enfouies, sont des cibles de choix pour la prospection pétrolière.
@INSU-CNRS

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site de l’INSU

Notre consommation importante d’hydrocarbures pousse l’exploration pétrolière à les rechercher dans des roches très poreuses situées de plus en plus loin dans les profondeurs du sous-sol, alors même que la probabilité d’y parvenir semble très faible dans la mesure où les lois d’enfouissement prédisent une diminution drastique de la porosité avec la profondeur (jusqu’à une porosité inférieure à 5 %). Pourtant, des découvertes récentes montrent que des réserves d’hydrocarbures sont exceptionnellement présentes à plus de 3,5 km de profondeur, dans des roches réservoirs très poreuses (> 20 %) et perméables (> 100 mD).

Afin d’améliorer notre capacité à prédire la localisation d’une zone poreuse et ainsi d’augmenter le taux de succès des forages en orientant l’exploration vers les zones à forts potentiels, il convient d’améliorer la compréhension des processus à l’origine des bonnes qualités (fortes porosité et perméabilité) de certains réservoirs très profonds.

Pour aller dans ce sens, des chercheurs du GEOPS et de ENGIE ont réalisé une étude pétrographique et minéralogique (visuellement et à l’aide d’un microscope et d’un diffractomètre de rayons X) de roches gréseuses récoltées à plus de 3,5 km de profondeur au cours de plusieurs campagnes d’exploration dont la dernière a été réalisée en 2010 par ENGIE. Ces forages ont été effectués au large de la côte nord-ouest de l’Australie, à environ 250 km à l’ouest de la ville de Darwin, dans une zone du plateau continental où la hauteur d’eau n’excède pas 100 m.

Les chercheurs ont obtenu les résultats suivants.

Déposée au Permien (il y a environ 270 Ma), la formation sédimentaire étudiée est localement très poreuse (> 20 %). Les grès qu’elle contient sont composés de grains de quartz et de feldspaths de la taille des grains de sable (63 microns à 2 mm). La présence de figures sédimentaires assimilables à des dunes sableuses, de rides façonnées par les courants de marée ou encore d’échinodermes et de traces laissées par des vers et des crustacés indique que ce sédiment a été déposé dans un immense estuaire. Des barres sableuses d’environ 2 à 5 mètres d’épaisseur, de plusieurs dizaines de mètres de largeur et de plusieurs centaines de mètres de longueur sont présentes, probablement similaires à celles observées actuellement dans l’estuaire de la Gironde.

À l’échelle microscopique, de petits amas de minéraux argileux (taille de quelques microns) ont été identifiés autour des grains de quartz situés au sommet de ces grandes barres sableuses. Ces minéraux argileux se sont positionnés ainsi au moment du dépôt des sables puis ont été transformés en chlorite ferreuse au cours de la diagenèse d’enfouissement, probablement sous un enfouissement de 100 à 500 m. Cette chlorite ferreuse a alors formé un tapissage très fin (environ 10 ?m), recouvrant la totalité de la surface des grains de quartz. Aucune surcroissance de quartz obturant la porosité n’étant observée en présence de ces tapissages d’argile, il semble que ceux-ci inhibent le développement de telles surcroissances lors de la diagenèse. Au contraire, de larges surcroissances de quartz comblent totalement la porosité quand les tapissages sont absents. Ces surcroissances se sont développées lors de la diagenèse d’enfouissement, bien après le dépôt, lorsque l’enfouissement était supérieur à 1,5 km.

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A – Reconstruction de l’estuaire permien (il y a 270 Ma), localisé alors à 200 km au large de l’Australie. B – Observation au microscope électronique à balayage des agrégats de précurseurs argileux et des tapissages de chlorite ferreuse.

Source :

Saïag, J., Brigaud, B., Portier, E., Desaubliaux, G., Bucherie, A., Miska, S., Pagel, M., 2016. Sedimentological control on the diagenesis and reservoir quality of tidal sandstones of the Upper Cape Hay Formation (Permian, Bonaparte Basin, Australia). Marine and Petroleum Geology. 77, 597-624

Voir en ligne : site web INSU

Le sous-sol français renferme l’une des plus importantes réserves de fluor du monde. En effet, la fluorine est l’un des seuls minéraux contenant assez de fluor pour être exploité : près de 5,5 Millions de tonnes de ce minéral sont présents dans des gisements localisés en Bourgogne, ce qui place la France au sixième rang mondial des pays ayant des réserves connues. Le fluor est un élément hautement important pour l’économie française car beaucoup d’industries en dépendent. Le fluor est indispensable à la fabrication de nombreux composants permettant à la France d’être en bonne position dans le domaine de l’énergie ou de l’automobile. C’est un élément de base utilisé pour séparer les isotopes de l’U dans la fabrication des combustibles nucléaires, ou pour la fabrication de l’acide fluorhydrique (HF) qui permet d’éliminer tous les oxydes inorganiques dans l’industrie du verre, des aciers inoxydables (automobile, éolienne, hydrolienne…) ou du silicium des semi-conducteurs (électronique, photovoltaïque, voiture électrique), ou encore dans son utilisation comme catalyseur des réactions du butène dans le raffinage du pétrole. Son utilisation s’invite même dans notre vie quotidienne en composant nos dentifrices, les mousses synthétiques de nos matelas, les gaz réfrigérants de nos réfrigérateurs ou nos casseroles au téflon. A ce titre, le fluor est classé par l’Union Européenne comme un élément critique du fait de son importance économique et de notre quasi totale dépendance des importations venant de Chine.
De plus, d’un point de vue académique, de grandes incertitudes subsistent sur l’origine du dépôt de fluorine dans les couches sédimentaires. Une origine pratiquement syn-sédimentaire (fini-trias à début jurassique) pour beaucoup de gisements est suggérée, mais est-ce vraiment le cas? Combien y a-t-il de générations? Dans quel contexte géologique se met en place la fluorine bourguignonne? Toute ces questions m’ont poussé il y a un peu plus de quatre ans maintenant à démarrer un programme de recherche en collaboration avec le Brgm. Ce programme me tenait à coeur car étant originaire du Morvan (Rouvray –> à 7 km du gisement de Coucelles-Frémoy…), je me suis depuis longtemps posé la question de leur formation. Ce projet s’intègre parfaitement dans les thématiques de ma recherche dont une partie vise à comprendre l’évolution physico-chimiques des sédiments remplissant les bassins. Allier une question scientifique (compréhension de la diagenèse) sur une région que je connais par coeur a donc clairement initié ce projet. La volonté du laboratoire GEOPS à étudier les ressources (la volonté de Maurice Pagel à aller dans ce sens a été déterminante) et le soutien financier du brgm a permis de mener à bien ce projet avec le recrutement de Morgane Gigoux qui a effectuée sa thèse de doctorat sur cette thématique. Les réserves françaises de fluorine ont pu être examinées de très près en essayant d’en caractériser leur origine. L’objectif final est simple : mieux comprendre leur formation permettra de mieux orienter les futures prospections. Les gisements observés de l’échelle de l’affleurement jusqu’à l’échelle microscopique par différentes méthodes les ont conduit à déterminer très précisément l’âge de formation de ces gisements afin de pouvoir les intégrer dans une histoire géodynamique globale. C’est avec plaisir que une partie des travaux vient d’être publiée  dans la revue Mineralium Deposita, ce qui démontre l’intérêt géologique du site étudié (Pierre-Perthuis).

Afin de reconstruire une origine de mise en place dans un cadre géodynamique bien contraint, l’information la plus importante à obtenir est l’âge de la minéralisation. L’étude a porté sur un des gisements bourguignons, celui de Pierre-Perthuis (1,4 Mt de fluorine). Le niveau minéralisé se localise dans les premiers niveaux sédimentaires ici dolomitiques, remplissant la base du bassin de Paris dans sa partie sud-ouest, et déposés à la fin du Trias (vers 210 Ma). Les échantillons collectés sur le terrain ont été minutieusement observés à l’aide de plusieurs microscopes : photonique, à cathodoluminescence et électronique. Le gisement renferme environ une trentaine de pour cent de fluorine, le reste étant principalement du quartz et de la barytine. Cette phase d’observation a permis d’identifier et individualiser une même génération de cristaux de fluorine bien homogène sur six échantillons. Les fluorines contiennent une infime quantité d’éléments de Terres rares (quelques dizaine de ppm ou 0,001%) dont du Samarium (147Sm ) et Néodyme (143Nd/144Nd). Même en infime quantité, les isotopes du Samarium et Néodyme ont été analysés au spectromètre de masse. Cette méthode géochronologique permet d’obtenir un âge de minéralisation et donc de mise en place du volume de fluorine qui est ici daté du Crétacé inférieur (130 Ma), soit 80 Ma d’années après le dépôt sédimentaire carbonaté. Cette période est marquée par des mouvements géodynamiques importants avec le début de l’ouverture de l’Atlantique centrale, le Rifting du Golfe de Gascogne et des Pyrénées. Ces mouvements se font ressentir jusque dans la moitié nord de la France, où les bordures du bassin de Paris se sont surélevées. Cette surélévation a engendré un gradient hydraulique, qui a pu mettre en mouvement des fluides circulant à la base du bassin. Cette circulation est à l’origine de la mise en place de ces importants gisements en France. Du point de vue de l’exploration, ces minéralisations reconnues sur la bordure affleurante sud-ouest du bassin, pourraient être présentes également dans le même niveau mais à l’intérieur du bassin.

Gigoux, M., Delpech, G., Guerrot, C., Pagel, M., Augé, T., Négrel, P., Brigaud, B., 2015. Evidence for an Early Cretaceous mineralizing event above the basement/sediment unconformity in the intracratonic Paris Basin : paragenetic sequence and Sm-Nd dating of the world-class Pierre-Perthuis stratabound fluorite deposit. Mineralium Deposita. 50 : 455–463

Retrouvez cet article sur le site web de l’Université: http://www.actu.u-psud.fr/fr/recherche/actualites-2015/sur-la-piste-du-fluor-francais.html

L’article intitulé « Characterization and origin of permeability-porosity heterogeneity in shallow-marine carbonates : from core scale to 3D reservoir dimension (Middle Jurassic, Paris Basin, France) » par Benjamin Brigaud, Benoît Vincent, Christophe Durlet, Jean-François Deconinck, Emmanuel Jobard, Niel Pickard, Béatrice Yven et Philippe Landrein est prêt pour une publication dans la revue Marine and Petroleum Geology.

Un des défis dans le domaine des sciences de la terre est d’arriver à mieux appréhender le changement d’échelle entre la caractéristique d’un échantillon de roche observée en laboratoire, parfois jusqu’à l’échelle micrométrique et son comportement in situ, dans le sous-sol à l’échelle plurikilométrique. Ce changement d’échelle peut s’avérer particulièrement important pour comprendre, prédire et ainsi visualiser en 3D certaines ressources présentes dans le sous-sol comme l’eau, les hydrocarbures ou les métaux. Les roches sédimentaires du sous-sol, notamment carbonatées, peuvent former des réservoirs pour les ressources en eau ou en hydrocarbures, dont une forte porosité et perméabilité est un gage de qualité. Ces aquifères ou réservoirs d’hydrocarbures sont étudiés à partir de forages, donnant un aperçu très ponctuel de la qualité, par exemple 2 km de long avec un diamètre ne dépassant pas 20 cm, de l’ensemble de la roche contenant cette ressource, dont le volume total peut atteindre plusieurs milliers de kilomètres cube.

Une collaboration entre universitaires (Université Paris-Sud et Université de Bourgogne) et industriels (Cambridge Carbonate, Andra, Statoil, Captair) dirigée par Benjamin Brigaud (Géosciences Paris Sud, Université Paris-Sud/CNRS) a apporté une méthode innovante sur ce changement d’échelle en étudiant un ensemble de roches carbonatées épais de 200 m et enfouis à plus de 500 m de profondeur dans l’Est du Bassin de Paris. Cette nouvelle méthode se déroule en cinq étapes. (1) La première consiste à reconstruire précisément, par une étude des faciès sédimentaires, la géométrie de l’ensemble formant un empilement d’une dizaine de couches. (2) La deuxième étape consiste à l’analyse en laboratoire de la perméabilité (de 0,01 mDarcy à 1 Darcy), de la porosité (de 1 à 17%), du rayon de l’espace connectant deux pores entre eux (variant de 0,25 µm à 32 µm) et surtout du signal en résonance magnétique nucléaire (RMN) des roches carbonatées du site prélevées dans un forage, rendant compte de leur hétérogénéité. Sur ces mêmes échantillons, l’espace poreux a été observé à très petite échelle au MEB afin de préciser la forme des pores ou leur variation de taille (de 1 µm à 100 µm). Ces analyses de laboratoire ont permis de redéfinir les équations permettant de calculer à partir du signal RMN, la porosité ou la perméabilité des roches carbonatées. (4) Dans une quatrième étape, le signal RMN a été mesuré dans 12 puits à partir d’une sonde. Les nouvelles équations utilisées ont permis d’avoir un enregistrement continu de la porosité sur presque 2 km. (5) Un logiciel de modélisation géologique performant a été utilisé afin de propager les caractéristiques de perméabilités et porosités mesurées à partir du signal RMN entre les 12 forages dans 109 millions de cellules mesurant 150 m de longueur, 150 m de large et 5 m de hauteur. Les investigations dans les forages permettent de connaître un volume d’environ 20 m3. Ce volume réellement investigué représente 1/1000 d’une cellule du modèle, à comparer aux 109 millions qu’il faut contraindre…

Cette calibration très fine des calculs de perméabilités à partir des signaux RMN mesurés en laboratoire et la mesure de la RMN sur 12 puits en diagraphie permettent d’observer la distribution hétérogène de la porosité et de la perméabilité depuis l’échelle ponctuelle dans les forages à celle d’un réservoir de 400 km3 modélisé en 3D.

 

 

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