Intervention au CA des élus pour une Université Humaniste Démocratique et Ecologique

Nous vous avons transmis le 24 mai un compte rendu du conseil d’administration par les élus de la liste « Pour un université humaniste, démocratique et écologique » (UHDE). Il y était évoquée la suspension de J-P. Dubois. Nous avons démarré le Conseil par une intervention liminaire dénonçant cette suspension arbitraire et autoritaire. Vous trouverez ci-dessous cette intervention à la suite de laquelle la présidente n’a ni manifesté le moindre regret ni reconnu une quelconque disproportion. Le communique de presse écrit par les élus FSU, CGT, UNEF et CFDT à la suite du CA se trouve ici. ——————————————————————————————

Intervention de Hugo Harari-Kermadec pour la liste UHDE (FSU-CGT) au Conseil d’administration de l’Université Paris-Saclay du 18 mai 2020.

Madame la présidente, les administrateurs et administratrices de l’Université Paris Saclay, élus sur les listes soutenues par l’UNEF, la FSU, la CGT et la CFDT ont publié un communiqué de presse commun avant ce CA. Nous souhaitons intervenir à propos de la suspension que vous avez décidée à l’encontre de M. Dubois le 13 mai dernier. Cette décision a choqué nos collègues comme les étudiantes et les étudiants, elle a suscité de nombreuses réactions, vous l’avez dit, des articles dans le Monde Campus et Médiapart entre autres et une pétition ayant recueilli plusieurs milliers de signatures. Votre décision de suspendre M. Dubois est donc de nature à inquiéter les administrateurs et administratrices, dès les premiers mois de l’Université Paris-Saclay, à au moins deux titres : l’arbitraire et l’autoritarisme, à l’opposé des valeurs annoncées dans les plaquettes de Paris-Saclay, d’une part ; et d’autre part, l’usage détourné des plateformes et des données informatiques, alors même que la ministre Vidal vient d’annoncer une rentrée universitaire à distance. I/ Alors que nous faisons face à une épidémie qui provoque l’angoisse et le stress, quand ce n’est le deuil, chez les étudiantes et les étudiants comme chez leurs professeur·es, alors que nous sommes toutes et tous amené·es à improviser un enseignement à distance, alors que les inégalités éducatives s’exacerbent du fait des différences d’équipement mais aussi de conditions de vie en confinement, nous faisons face à des injonctions contradictoires : Il faut être bienveillant mais finalement évaluer et sélectionner pour défendre la valeur des diplômes. Chacun a dû trouver seul chez lui son équilibre, sur la base de son autonomie académique et en supposant le soutien, bienveillant lui aussi, de l’université. Vous vous êtes engagée, il y a moins de deux mois, lors de votre élection devant ce CA, à travailler « dans le respect, l’écoute et la co-construction », à respecter « les valeurs démocratiques et collégiales ». Mais vous décidez seule de suspendre un Professeur des Universités. Quelle était la cause de cette décision urgente ? M. Dubois avait-il commis des actes violents ? Fallait-il interrompre une situation de harcèlement, ou un discours xénophobe ou misogyne ? Non, c’est la participation de M. Dubois à un jury qui vous inquiétait, parce que, selon votre courrier du 15 mai, elle « s’avérait de nature à possiblement entraver son bon déroulement ». Quel risque ! Non seulement votre décision apparaît disproportionnée, si l’on supposait qu’il y avait lieu de s’inquiéter du caractère perturbateur d’un ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme à la veille de la retraite, mais surtout elle est préalable : selon votre courrier du 15 mai, vous n’avez pas suspendu M. Dubois pour un acte qu’il aurait commis mais qu’il pourrait commettre : une possible perturbation, une hypothèse. Il s’agit donc d’une suspension préventive. Cette situation est en profonde contradiction avec la base de la collégialité : si la présidente de l’université Paris-Saclay peut décider de retirer des participants aux jurys et aux conseils, sur la base de suspicions, alors que reste-t-il de l’autonomie académique ? A quoi bon avoir des élu·es ? Qui m’assure que vous ne me suspendrez pas avant le prochain CA au motif que ma participation s’avérerait de nature à en entraver le bon déroulement ? Vous reprochez à M Dubois d’avoir introduit une rupture d’égalité entre étudiants. Malheureusement, il est certain qu’aucune épreuve en ligne ne permet de garantir cette égalité, quelles qu’en soient les modalités techniques. Pourtant, cette exigence d’égalité est fixée par la loi et son respect incombe formellement aux établissements. Et non pas aux étudiantes et aux étudiants contrairement à ce que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche voudrait obtenir en demandant aux candidats, je cite « […] un engagement explicite à assumer la responsabilité des conditions techniques, matérielles et opérationnelles du déroulé de l’examen à [leur] domicile. » Non, ce n’est pas aux étudiantes et aux étudiants d’assumer la responsabilité de cette situation, ni à M. Dubois. C’est la volonté d’assurer les examens malgré la situation pandémique et le confinement qui entraine cette inégalité. II/ A côté de ce fonctionnement arbitraire avec lequel vous ouvrez votre mandat, une seconde préoccupation majeure pour les administrateurs et administratrices est l’utilisation des plateformes et données numériques. Le recours massif et dans l’urgence à ces outils ces dernières semaines a soulevé l’inquiétude des défenseurs des libertés publiques, mais aussi de nos syndicats. La ministre Vidal vient d’annoncer qu’elle souhaite prolonger cet usage pour l’année universitaire prochaine. Or votre décision et les éléments par lesquels vous la justifiez sont de nature à confirmer ces inquiétudes et à refuser de poursuivre dans cette voie. Plus grave peut-être, vous avez eu recours au tracing en contradiction avec toutes les valeurs et toutes les chartes dont vous vous targuez. Plutôt que d’avoir ouvert un dialogue avec M. Dubois, vous annoncez dans votre décision du 13 mai vous fonder sur les données de la plateforme e-campus et sur des courriels. Rappelons que selon la charte de l’INRIA, la seule à notre connaissance à porter sur les administrateurs systèmes, je cite : « sauf réquisition d’une autorité judiciaire, les administrateurs systèmes ne doivent répondre à aucune demande d’information ou de traitement pouvant mettre en cause des personnes même sous couvert d’un ordre hiérarchique. » Charte INRIA La charte de Paris Sud stipule, p. 1, que les utilisateurs s’interdissent « – d’accéder à des données de tiers sans leur autorisation, de supprimer ou de modifier ces données » Si la charte mentionne que la DSI puisse être amenée à prendre connaissance de données, notamment les traces de connexion, elle stipule expressément que « l’ensemble de ces démarches sera accompagné d’un dialogue avec les utilisateurs concernés et ne pourra être mis en œuvre que sous réserve de faisabilité technique et juridique. » Comment continuer à utiliser ces outils numériques si vous en détournez l’usage, en dehors de tout cadre juridique ou réglementaire, pour prendre des décisions arbitraires à l’encontre de vos personnels ? Si un professeur d’université, qui plus est en droit, peut subir une telle suspension alors à quoi doivent s’attendre nos collègues moins reconnu·es, plus précaires ? Ces traces informatiques vont-elles bientôt servir à comptabiliser l’exécution des services et les heures complémentaires ?

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